IDYLLES |
LE MIROIR |
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Comme un enfant cruel tourmente la douceur |
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De l’agneau craintif qu’il enchaîne, |
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Amour, je t’ai vu rire à l’accent de ma peine. |
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J’en ai pleuré pour toi, de honte et de douleur. |
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Mais l’agneau gémissant rêve au joug qui l’opprime ; |
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Il le brise en silence et retourne au vallon. |
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Adieu, cruel enfant dont je fus la victime, |
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Adieu, le pauvre agneau m’a rendu la raison. |
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Joyeux et bondissant des vallons aux prairies, |
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Dégagé de l’anneau de fer |
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Qui le blessa longtemps sous des chaînes fleuries, |
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Il voit l’herbe plus verte et le ruisseau plus clair. |
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Ma fierté languissante est enfin éveillée ; |
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Je repousse en fuyant tes amères faveurs, |
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Et, sous ma guirlande effeuillée, |
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J’ai brisé tes fers imposteurs. |
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Ne viens pas me troubler, Amour ! je suis heureuse ; |
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Je ne sens plus le poids d’un lien détesté. |
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Mais quoi ! sa fraîche empreinte est encor douloureuse. |
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Ah ! laisse un long repos au cœur qui l’a porté ! |
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Va rendre ce lien à l’ingrat que j’oublie : |
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C’est à toi d’obéir, tu n’es plus mon vainqueur ; |
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Tu ne l’es plus ! Mes chants, ma liberté, ma vie, |
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J’ai tout repris avec mon cœur. |
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Qu’il promène le sien sur tes ailes légères. |
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Je le verrai sans trouble ; il n’est plus rien pour moi. |
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Je ne l’attendrai plus aux fêtes bocagères ; |
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À peine il me souvient qu’il y surprit ma foi. |
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Je l’ ai fui tout un jour sans répandre de larmes, |
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Tout un jour ! Ah ! pour lui mes yeux n’ont plus de pleurs. |
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Je souris au miroir en essayant des fleurs, |
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Et le miroir m’apprend qu’un sourire a des charmes. |
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Comme le lin des champs flotte au gré des zéphyrs, |
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J’abandonne ma chevelure, |
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Qui va flotter à l’aventure, |
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Ainsi que mes nouveaux désirs. |
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Oui, l’ air qui m’environne, épuré par l’orage, |
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Me rendra, comme aux fleurs, l’éclat et la beauté, |
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Et bientôt mon sort, sans nuage, |
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Brillera comme un jour d’été. |
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Mais non, je ne veux point de fleurs dans ma parure ; |
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Ce qu’il aimait ne doit plus m’embellir. |
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Cachons-les avec soin ; s’il venait, le parjure, |
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Il croirait que pour lui j’ai daigné les cueillir. |
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S’il venait… Qu’ai-je dit ? Quoi ! son audace extrême |
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Le ramènerait-elle où mon courroux l’attend ? |
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Pourrait-il s’arracher à ce monde qu’il aime, |
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À ce juge léger qui flatte un inconstant ? |
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Au fond de mon miroir je vois errer son ombre ; |
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Une ombre plus légère appelle son regard ; |
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Il la cherche lui-même, il l’aborde ; il fait sombre ; |
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Il soupire… Ah ! perfide ! est-ce encor le hasard ?… |
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Oh ! comme il la regarde ! Oh ! comme il est près d’elle ! |
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Comme il lui peint l’ardeur qu’il feignit avec moi ! |
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Il ne feint plus, car elle est belle : |
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Amour ! va les unir, ils n’attendent que toi ! |
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Je garde mes bouquets. Ma parure est finie. |
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Ma parure ! Et pour qui tant de soins superflus ? |
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Ce beau jour est voilé, cette glace est ternie, |
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Et le miroir ne sourit plus. |
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