IDYLLES |
LA NUIT |
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Viens ! le jour va s’éteindre… il s’efface, et je pleure. |
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N’as-tu pas entendu ma voix ? Écoute l’heure ; |
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C’est ma voix qui te nomme et t’accuse tout bas ; |
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C’est l’Amour qui t’appelle, et tu ne l’entends pas ! |
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Mon courage se meurt. Tout à ta chère idée, |
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D’elle, de toi toujours tendrement obsédée, |
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Pour ton ombre j’ai pris l’ombre d’un voyageur, |
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Et c’était un vieillard riant de ma rougeur. |
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Eh quoi ! le jour s’éteint ? n’est-ce pas un nuage, |
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Un vain semblant du soir, un fugitif orage ? |
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Que je voudrais le croire ! Hélas ! un si beau jour |
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Ne devrait pas mourir sans consoler l’Amour. |
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Viens ! ce voile jaloux ne doit pas te surprendre. |
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Dans les cieux à son gré laisse-le se répandre ; |
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Ne va pas comme moi le prendre pour la nuit |
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Quand son obscurité m’importune et me nuit ! |
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Si le soleil plus pur allait paraître encore ! |
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Si j’allais avec lui revoir ce que j’adore ! |
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Si je pouvais du moins, en lui livrant ces fleurs, |
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Me cacher dans son sein, et rougir de mes pleurs ! |
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Il me dirait : « Je viens, j’accours, ma bien-aimée ! |
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« Ce nuage qui fuit t’aurait-il alarmée ? |
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« La nuit est loin, regarde ! » Et je verrais ses yeux |
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Rendre la vie aux miens, et la lumière aux cieux. |
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Non ! le jour est fini. Ce calme inaltérable, |
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L’oiseau silencieux fatigué de bonheur, |
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Le chant vague et lointain du jeune moissonneur, |
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Tout m’invite au repos… tout m’insulte et m’accable. |
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Un seul et doux objet me plaint dans ce séjour, |
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Il a subi mon sort : c’est la pâle anémone, |
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Sous le vent qui l’effeuille, elle tombe ; et ce jour, |
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Pour nous brûler ensemble, en orna ma couronne. |
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Mais adieu tout ; adieu, toi qui ne m’entends pas ; |
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Toi qui m’as retenu la moitié de mon être, |
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Qui n’as pu m’oublier, qui vas venir, peut-être ! |
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Tu trouveras au moins la trace de mes pas, |
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Si tu viens ! Adieu, bois où l’ombre est si brûlante ; |
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Nuit plus brûlante encor, nuit sans pavots pour moi, |
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Tu règnes donc enfin ! Oui, c’est toi, c’est bien toi ! |
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Quand me rendras-tu l’aube ? Oh ! que la nuit est lente ! |
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Hélas ! si du soleil tu balances le cours, |
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Tu vas donc ressembler au plus long de mes jours ! |
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L’alouette est rentrée aux sillons ; la cigale |
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À peine dans les airs jette sa note égale ; |
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Un souffle éveillerait les échos du vallon, |
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Et les échos muets ne diront pas mon nom. |
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Et vous, dont la fatigue a suspendu la course, |
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Vieillard ! ne riez plus ; si mes tristes accents… |
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Non ! déjà le sommeil appesantit ses sens ; |
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Il rêve sa jeunesse au doux bruit de la source. |
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Oh ! que je porte envie à ses songes confus ! |
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Que je le trouve heureux ! Il dort, il n’attend plus. |
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