ÉLÉGIES |
L’IMPATIENCE |
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Ne viens pas : non ! Punis ton injuste maîtresse : |
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Elle a maudit l’amour ; j’en suis tremblante encor ; |
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Elle a maudit ses pleurs, ses tourments, son ivresse, |
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Et sa révolte a pris l’essor. |
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Elle a dit : « J’ai perdu mes songes infidèles. |
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Le temps ne marche plus ; la douleur n’a point d’ailes ; |
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L’amour seul est rapide, ingrat, sans souvenir ; |
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Il devance, il dévore, il détruit l’avenir : |
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Je déteste l’amour. Je veux aimer la gloire : |
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Elle promet des biens ; je tâcherai d’y croire. |
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Qu’elle endorme mes maux, si je n’en peux guérir. |
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Quand on ne meurt pas toute, on craint moins de mourir. » |
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Puis, elle a dit : « La gloire est un cercle dans l’onde. |
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C’est l’écho de la vie ; il expire à son tour. |
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Eh ! que m’importera, dans une nuit profonde, |
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Ce vain écho d’un jour ? |
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Eh bien ! je hais la gloire et l’attente perdue, |
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Et l’amour, et l’image à mon cœur suspendue, |
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Je hais tout ! » Mais bientôt elle n’eut plus de voix |
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Que pour former ton nom, pour t’appeler cent fois ; |
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Elle cherchait en vain sa colère exhalée. |
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Oh ! la piquante abeille est moins vite envolée. |
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En vain l’écho trompé disait :« Je veux haïr. » |
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Triste, elle a murmuré : « Ciel, qu’il tarde à venir ! » |
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Ne viens pas ! Que la nuit, sans presser sa paupière, |
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Laisse battre son cœur dans la crainte et l’espoir. |
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Qu’une journée encor l’accable tout entière, |
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Sans la rendre à la vie, au bonheur de te voir ! |
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Une journée… un siècle… auras-tu ce courage ? |
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Oui, l’homme est courageux. Tu dis qu’il est aimant ? |
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Prouve-le ! Tu le sais, l’amour est un orage. |
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Écris, d’un pur espoir rends-lui l’enchantement. |
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Écrire !… et le temps vole ; il emporte la vie, |
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Il s’enfuit escorté des heures et des jours. |
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Imite sa vitesse ; ô mon idole, accours ; |
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Qu’il m’emporte avec toi, c’est tout ce que j’envie ! |
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Oh ! Dieu ! si tu venais !… Viens, je veux te parler ; |
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J’ai des secrets encor, j’en ai mille à t’apprendre ; |
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Et les tiens, tous les tiens, viens me les révéler, |
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Viens m’en flatter, viens me les rendre ! |
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Je dirai : Te voilà ! Je dirai… Mon bonheur |
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Inventera des mots que ma tristesse ignore. |
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Ne crains pas que j’en trouve un seul pour la douleur ; |
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Mais ceux qui te plaisaient, je les sais tous encore. |
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Que de voix… que d’espoir ! Qui sont ceux que j’entends ? |
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Les voici… Devant eux je demeure glacée ; |
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Je ne les entends plus, je sens fuir ma pensée, |
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Et je n’ai pas vu ceux qui m’ont parlé longtemps. |
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Toi, tu ne viens jamais ! Qu’importe que je meure ? |
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Les minutes en vain volent autour de l’heure ; |
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Et l’heure, en les comptant, fait tomber sans retour |
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Les mois, les ans, la vie ! et sans toi, sans amour ! |
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