ÉLÉGIES |
ÉLÉGIE |
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Quoi ! les flots sont calmés, et les vents sans colère |
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Aplanissent la route où je vais m’égarer ! |
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J’ai vu briller le phare, et l’onde qui s’éclaire |
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Double l’affreux signal qui doit nous séparer ! |
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Que fait-il ? Ah ! s’il dort, il rêve son amie ; |
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Bercé dans mon image, il attend le réveil ! |
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Comme l’onde paisible, il me croit endormie, |
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Et son rêve abusé sourit à mon sommeil. |
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Emmenez-moi, ma sœur. Dans votre sein cachée, |
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Comme une pâle fleur de sa tige arrachée, |
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Sauvez-moi de ces lieux. Dites : C’est sans retour ! |
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Cet effort finira ma vie ou mon amour. |
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Emportez ma douleur loin de lui, loin du monde ; |
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Loin de moi, s’il se peut, ma sœur, emportez-moi ! |
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Mais la nuit qui nous couvre est-elle assez profonde ? |
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Oh ! non ; les flots, le ciel tout me remplit d’effroi. |
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Est-il temps de mourir ? Et lui, lui que j’adore, |
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Ne puis-je, en le fuyant, vous le nommer encore ? |
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Ne puis-je de sa voix appeler la douceur ? |
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Ne puis-je le revoir ?… Non ! Sauvez-moi, ma sœur. |
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Mon mal est dans sa vue ; et lorsque j’y succombe, |
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Mon mal doit vous toucher : ce n’est pas le remord. |
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Cachez-moi dans vos bras, dans la nuit, dans la tombe |
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Je demande à le fuir, je ne crains plus la mort. |
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Venez ! s’il descendait sur la plage déserte, |
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Un charme sur mes pas attirerait ses pas : |
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Prête à me confier à la vague entr’ouverte, |
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Je lui dirais adieu… je ne partirais pas. |
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Il sait tout. Ô ma sœur ! il demandait mon âme ; |
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Nos regards se parlaient malgré nous confondus. |
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Tout baignés de tristesse, et de pleurs et de flamme, |
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Dans ses regards si doux les miens se sont perdus. |
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Et je fuis ! et des cieux la pitié m’abandonne ! |
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Je ne les verrai plus, ils étaient dans ses yeux. |
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Si tu voyais ses yeux ! Oh ! l’ange qui pardonne |
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Doit regarder ainsi quand il ouvre les cieux ! |
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J’étais seule avec lui, j’écoutais son silence ; |
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L’heure, une fois pour nous, perdit sa vigilance. |
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Contre un penchant si vrai, si longtemps combattu, |
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Ma sœur, je n’avais plus d’appui que sa vertu. |
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Pour arracher mon cœur à sa peine chérie |
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Et distraire du sien la sombre rêverie, |
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Je cherchais le secours de ces accords puissants |
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Qui de plus d’un orage avaient calmé ses sens. |
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J’essayais d’une main faible et mal assurée, |
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Cet art consolateur d’une âme déchirée ; |
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Je disputais son âme à ses vagues désirs ; |
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Je ramenais le temps de nos plus doux loisirs ; |
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Son sourire trompait ma crédule espérance, |
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Et j’unissais ainsi la ruse à l’innocence. |
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Dieu ! que je m’abusais à ce calme trompeur ! |
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Pour la première fois son regard me fit peur, |
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De ma gaîté timide il détruisit les charmes, |
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Et ma voix s’éteignit dans un torrent de larmes. |
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« Non ! dit-il, non, jamais tu n’as connu l’Amour ! » |
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J’ai voulu me sauver… il pleurait à son tour. |
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J’ai senti fuir mon âme effrayée et tremblante : |
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Ma sœur, elle est encor sur sa bouche brûlante. |
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Sauvez-moi ! sauvez-moi ! De lointaines clameurs |
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Appellent au rivage une barque tardive. |
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De l’écho du rocher que la voix est plaintive ! |
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Répondez-lui pour moi, je vous suivrai… je meurs. |
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