Métrique en Ligne
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Marceline DESBORDES-VALMORE
POÉSIES
1830
ÉLÉGIES
LA DOULEUR
Sombre douleur, dégoût du monde, 8
Fruit amer de l’adversité, 8
Où l’ âme anéantie, en sa chute profonde, 12
Rêve à peine à l’éternité, 8
5 Soulève ton poids qui m’opprime, 8
Dieu l’ordonne ; un moment laisse-moi respirer. 12
Ah ! si le désespoir à ses yeux est un crime, 12
Laisse-moi donc la force d’espérer ! 10
Si dès mes jeunes ans j’ai repoussé la vie, 12
10 Si la mélancolie enveloppa mes jours, 12
Si l’amitié, si les amours, 8
M’ont attristée autant qu’ils m’avaient asservie ; 12
Si déjà mon printemps n’est qu’un froid souvenir, 12
Si la mort a soufflé sur une jeune flamme 12
15 Qui vient, en s’éteignant, d’éteindre aussi mon âme, 12
Laisse-moi vivre au moins dans un autre avenir ! 12
Laisse-moi respirer, désespoir d’une mère ! 12
Dieu l’ordonne, Dieu parle à mon cœur éperdu. 12
« Suis mon arrêt, dit-il, reste encor sur la terre. » 12
20 S’il ne venait de Dieu, serait-il entendu ? 12
Mais, vers l’éternité quand cette âme brûlante 12
S’envolera, baignée encor de pleurs, 10
Délivrée à jamais d’une chaîne accablante, 12
Je reverrai mon fils : quel prix de mes douleurs ! 12
25 Éternité consolante ou terrible ! 10
Pour le méchant, c’est l’enfer, c’est son cœur ; 10
Mais pour l’être innocent, malheureux et sensible, 12
C’est le repos, c’est le bonheur ! 8
Ô Dieu ! quand de mon fils sonna l’heure suprême, 12
30 Un doute affreux ne m’a pas fait frémir : 10
Non, cet être charmant, au sein de la mort même, 12
N’a fait que s’endormir. 6
Ô tendresse ! ô douleur ! ô sublime mélange ! 12
Ses yeux remplis d’amour se ferment sur mes yeux ; 12
35 Je m’attache à son corps… Ce n’était plus qu’un ange 12
Qui s’envolait aux cieux. 6
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