ÉLÉGIES |
ÉLÉGIE |
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Toi qui m’as tout repris jusqu’au bonheur d’attendre, |
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Tu m’as laissé pourtant l’aliment d’un cœur tendre, |
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L’amour ! et ma mémoire où se nourrit l’amour. |
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Je lui dois le passé ; c’est presque ton retour ! |
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C’est là que tu m’entends, c’est là que je t’adore, |
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C’est là que sans fierté je me révèle encore. |
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Ma vie est dans ce rêve où tu ne fuis jamais ; |
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Il a ta voix ; ta voix ! tu sais si je l’aimais ! |
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C’est là que je te plains ; car plus d’une blessure, |
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Plus d’une gloire éteinte a troublé, j’en suis sûre, |
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Ton cœur, si généreux pour d’autres que pour moi : |
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Je t’ai senti gémir ; je pleurais avec toi ! |
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Qui donc saura te plaindre au fond de ta retraite, |
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Quand le cri de ma mort ira frapper ton sein ? |
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Tu t’éveilleras seul dans la foule distraite, |
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Où des amis d’un jour s’entr’égare l’essaim ; |
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Tu n’y sentiras plus une âme palpitante |
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Au bruit de tes malheurs, de tes moindres revers , |
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Ta vie, après ma mort, sera moins éclatante : |
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Une part de toi-même aura fui l’univers. |
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Il est doux d’être aimé ! Cette croyance intime |
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Donne à tout on ne sait quel air d’enchantement : |
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L’infidèle est content des pleurs de sa victime ; |
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Et, fier, aux pieds d’une autre il en est plus charmant. |
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L’as-tu dit ?… Oui, cruel, oui, je crois tout possible ; |
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Je te pardonne tout, sois heureux, tout est bien, |
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Le ciel qui t’avait fait pour me rendre sensible, |
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Oublia que pour plaire il ne me donnait rien. |
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Et je fuis ; je t’échappe au milieu de tes fêtes, |
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Où tant de vœux ont divisé nos pas ! |
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L’éloignement, triste bienfait, hélas ! |
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Semble un rideau jeté sur tes conquêtes. |
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Je n’entends plus ces déchirantes voix, |
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Qui vont chercher des pleurs jusques au fond des âmes ; |
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Ces mots inachevés, qui m’ont dit tant de fois |
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Les noms changeants de tes errantes flammes ; |
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Je les sais tous ! ils ont brisé mes vœux ; |
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Mais je n’étouffe plus dans mon incertitude : |
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Nous mourrons désunis ; n’est-ce pas, tu le veux ? |
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Pour t’oublier, viens voir !… qu’ai-je dit ? vaine étude, |
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Où la nature apprend à surmonter ses cris, |
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Pour déguiser mon cœur, que m’avez-vous appris ? |
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La vérité s’élance à mes lèvres sincères ; |
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Sincère, elle t’appelle, et tu ne l’entends pas ! |
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Ah ! sans t’avoir troublé qu’elle meure tout bas ! |
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Je ne sais point m’armer de froideurs mensongères : |
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Je sais fuir ; en fuyant on cache sa douleur, |
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Et la fatigue endort jusqu’au malheur. |
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Oui, plus que toi l’absence est douce aux cœurs fidèles : |
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Du temps qui nous effeuille elle amortit les ailes ; |
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Son voile a protégé l’ingrat qu’on veut chérir : |
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On ose aimer encore, on ne veut plus mourir. |
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