ÉLÉGIES |
LA NUIT D’HIVER |
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Qui m’appelle à cette heure et par le temps qu’il fait ? |
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C’est une douce voix, c’est la voix d’une fille. |
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Ah ! je te reconnais ; c’est toi, Muse gentille ? |
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Ton souvenir est un bienfait. |
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Inespéré retour ! aimable fantaisie ! |
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Après un an d’exil qui t’amène vers moi ? |
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Je ne t’attendais plus, aimable Poésie ; |
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Je ne t’attendais plus, mais je rêvais à toi. |
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Loin du réduit obscur où lu viens de descendre, |
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L’amitié, le bonheur, la gaieté, tout a fui. |
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Ô ma Muse ! est-ce toi que j’y devais attendre ? |
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Il est fait pour les pleurs et voilé par l’ennui. |
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Ce triste balancier, dans son bruit monotone, |
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Marque d’un temps perdu l’inutile lenteur ; |
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Et j’ai cru vivre un siècle, enfin, quand l’heure sonne, |
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Vide d’espoir et de bonheur. |
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L’hiver est tout entier dans ma sombre retraite : |
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Quel temps as-tu daigné choisir ? |
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Que doucement par toi j’en suis distraite ! |
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Oh ! quand il nous surprend, qu’il est beau le plaisir ! |
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D’un foyer presque éteint la flamme salutaire |
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Par intervalle encor trompe l’obscurité ; |
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Si tu veux écouter ma plainte solitaire, |
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Nous causerons à sa clarté. |
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Petite Muse, autrefois vive et tendre, |
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Dont j’ai perdu la trace au temps de mes malheurs, |
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As-tu quelque secret pour charmer les douleurs ? |
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Viens ! nul autre que toi n’a daigné me l’apprendre. |
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Écoute ! nous voilà seules dans l’univers, |
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Naïvement je vais tout dire : |
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J’ai rencontré l’Amour, il a brisé ma lyre ; |
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Jaloux d’un peu de gloire, il a brûlé mes vers. |
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« Je t’ai chanté, lui dis-je, et ma voix, faible encore, |
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Dans ses premiers accents parut juste et sonore. |
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Pourquoi briser ma lyre ? elle essayait ta loi. |
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Pourquoi brûler mes vers ? je les ai faits pour toi. |
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Si de jeunes amants tu troubles le délire, |
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Cruel, tu n’auras plus de fleurs dans ton empire ; |
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Il en faut à mon âge, et je voulais, un jour, |
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M’en parer pour te plaire, et te les rendre, Amour ! |
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Déjà je te formais une simple couronne, |
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Fraîche, douce en parfums. Quand un cœur pur la donne, |
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Peux-tu la dédaigner ? Je te l’offre à genoux ; |
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Souris à mon orgueil et n’en sois point jaloux. |
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Je n’ai jamais senti cet orgueil pour moi-même, |
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Mais il dit mon secret, mais il prouve que j’aime. |
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Eh bien ! fais le partage en généreux vainqueur : |
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Amour, pour toi la gloire, et pour moi le bonheur. |
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C’est un bonheur d’aimer, c’en est un de le dire. |
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Amour, prends ma couronne, et laisse-moi ma lyre ; |
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Prends mes vœux, prends ma vie ; enfin, prends tout, cruel ! |
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Mais laisse-moi chanter au pied de ton autel. » |
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Et lui : « Non, non ! Ta prière me blesse ; |
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Dans le silence, obéis à ma loi : |
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Tes yeux en pleurs, plus éloquents que toi, |
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Révéleront assez ma force et ta faiblesse. » |
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Muse, voilà le ton de ce maître si doux. |
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Je n’osai lui répondre, et je versai des larmes ; |
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Je sentis ma blessure, et je maudis ses armes. |
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Pauvre lyre ! je fus muette comme vous ! |
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L’ingrat ! il a puni jusques à mon silence. |
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Lassée enfin de sa puissance, |
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Muse, je te redonne et mes vœux et mes chants. |
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Viens leur prêter ta grâce, et rends-les plus touchants. |
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Mais tu pâlis, ma chère, et le froid t’a saisie ! |
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C’est l’hiver qui t’opprime et ternit tes couleurs. |
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Je ne puis t’arrêter, charmante Poésie ! |
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Adieu ! tu reviendras dans la saison des fleurs. |
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