Métrique en Ligne
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Marceline DESBORDES-VALMORE
POÉSIES
1830
ÉLÉGIES
LES LETTRES
Hélas ! que voulez-vous de moi, 8
Lettres d’amour, plaintes mystérieuses ? 10
Vous dont j’ai repoussé longtemps avec effroi 12
Les prières silencieuses. 8
5 Vous m’appelez… je rêve, et je cherche, en tremblant, 12
Sur mon cœur, une clef qui jamais ne s’égare : 12
D’un éclair l’intervalle à présent nous sépare, 12
Mais cet intervalle est brûlant ! 8
Je n’ose respirer ! triste sans amertume, 12
10 Au passé, malgré moi, je me sens réunir : 12
Las d’oppresser mon sein, l’ennui qui me consume 12
Va m’attendre dans l’avenir. 8
Je cède, prends sa place, ô délirante joie ! 12
Laisse fuir la douleur, cache-moi l’horizon : 12
15 Elle t’abandonne sa proie, 8
Je t’abandonne ma raison ! 8
Oui, du bonheur vers moi l’ombre se précipite : 12
De ce pupitre ouvert l’Amour s’échappe encor. 12
Où va mon âme ?… elle me quitte ! 8
20 Plus prompte que ma vue, elle atteint son trésor ! 12
Il est là !… toujours là, sous vos feuilles chéries, 12
Frêles garants d’une éternelle ardeur ! 10
Unique enchantement des tristes rêveries 12
Où m’égare mon cœur ! 6
25 De sa pensée échos fidèles, 8
De ses vœux discrets monuments, 8
L’Amour, qui l’inspirait, a dépouillé ses ailes 12
Pour tracer vos tendres serments. 8
Soulagement d’un cœur, et délices de l’autre, 12
30 Ingénieux langage et muet entretien ! 12
L’empire de l’absence est détruit par le vôtre ; 12
Je vous lis, mon regard est fixé sur le sien ! 12
Ne renfermez-vous pas la promesse adorée 12
Qu’il n’aimera que moi… qu’il aimera toujours 12
35 Cette fleur qu’il a respirée, 8
Ce ruban qu’il porta deux jours… ? 8
Comme la volupté, que j’ai connue à peine, 12
La fleur exhale encore un parfum ravissant ; 12
N’est-ce pas sa brûlante haleine ? 8
40 N’est-ce pas de son âme un souffle caressant ? 12
Du ruban qu’il m’offrit que la couleur est belle ! 12
Le ciel n’a pas un bleu plus pur ; 8
Non, des cieux le voile d’azur 8
Ne me charmerait pas comme elle ! 8
45 Qu’ai-je lu ?… Le voilà son éternel adieu ! 12
Je touchais au bonheur, il m’en a repoussée ; 12
En appelant l’espoir, ma langue s’est glacée, 12
Et ma froide compagne est rentrée en ce lieu ! 12
Ô constante douleur ! sombre comme la haine, 12
50 Vous voilà de retour ! 6
Prenez votre victime, et rendez-lui sa chaîne ; 12
Moi, je vous rends un cœur encor tremblant d’amour ! 12
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