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Marceline DESBORDES-VALMORE
POÉSIES
1830
POÉSIES INÉDITES
ROMANCES
LA NOVICE
IMITÉ DE MOORE
Une jeune et blanche novice, 8
À l’ombre des bosquets cloîtrés 8
Rêvant à son pur sacrifice, 8
Promenait ses vœux timorés ; 8
5 Et sur des agnus consacrés 8
Chantait des cantiques sacrés. 8
« Ici nous vivons, disait-elle, 8
Mortes aux terrestres douleurs, 8
Et les Anges sous leur tutèle, 8
10 Nous gardent des tendres malheurs ; 8
Nos soupirs, sur l’encens des fleurs, 8
S’en vont aux cieux avec nos pleurs. 8
Amour ! laisse en paix ma cellule ! 8
Sœur Isaure dit qu’autrefois 8
15 Une sainte jeune et crédule 8
Te prit pour un Ange, à ta voix ; 8
Et que l’ange, au pied de la croix 8
Te ressemble, sans ton carquois. » 8
L’Amour alors prêta l’oreille ; 8
20 Il dormait sur l’aile du vent. 8
Un soupir l’offense et l’éveille ; 8
Hélas ! qu’il s’éveille souvent ! 8
Comme un ange ami du couvent, 8
Il apparut tendre et fervent. 8
25 Ses yeux bleus, riants et perfides, 8
Amortis par la piété, 8
Lancèrent des flammes timides 8
Au cœur de la jeune beauté. 8
« Dieu ! dit-elle, à votre clarté, 8
30 Je vois un ange en vérité ! » 8
Cet ange aux mystiques paupières 8
Est un Dieu cruel et moqueur ; 8
Tes pleurs, ton encens, tes prières, 8
Ne guériront pas ta langueur : 8
35 Tu ne fuiras plus ton vainqueur, 8
Jeune sainte, il est dans ton cœur. 8
Ses yeux illuminent ton âme, 8
Ses soupirs répondent aux tiens ; 8
Les autels brûlent de sa flamme, 8
40 Et tes feux ne sont plus chrétiens ; 8
Grand Dieu ! ses trompeurs entretiens, 8
Séduiraient les anges gardiens ! 8
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