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DES_1/DES195

Marceline DESBORDES-VALMORE

POÉSIES

1830

POÉSIES INÉDITES
ROMANCES

LE CALVAIRE

	Puisque tu vas, Angélique,	7
	Au calvaire des Roseaux,	7
	Rapporte-moi, pour relique,	7
	Une froide fleur des eaux.	7
5	On ne dort pas sous la haire ;	7
	La nuit on m’entend gémir ;	7
	Et les fleurs du vieux Calvaire,	7
	On me l’a dit, font dormir.	7

	Pauvre Angélique, à ton âge,	7
10	Quand on part seule, et nu-pied,	7
	Pour un long pèlerinage,	7
	N’y va-t-on que par pitié ?…	7
	Sur la sauvage bruyère,	7
	Colombe, qui va gémir,	7
15	Offre à Dieu quelque prière	7
	Pour que je puisse dormir.	7

	Mais quel philtre, quel breuvage	7
	Endort, au feu des éclairs,	7
	Le ramier dans l’esclavage,	7
20	Quand l’été brûle les airs ?	7
	Daigne la foudre descendre	7
	Sur l’oiseau né pour gémir ;	7
	Car peut-être sous la cendre	7
	On le laissera dormir !	7

25	Ah ! si j’osais, ma compagne,	7
	Me dérober sur tes pas,	7
	Dans l’air vif de la montagne,	7
	J’oublierais… parlons plus bas !	7
	Ici, l’on meurt de ses peines,	7
30	Mais il n’en faut pas gémir.	7
	Enfant, tu n’as pas de chaînes ;	7
	Tu fuis… mais tu peux dormir !	7

	Crois-tu qu’un grand sacrifice	7
	Puisse être agréable à Dieu ?	7
35	Eh bien ! qu’il me soit propice,	7
	Je le joins à notre adieu.	7
	Porte au Calvaire une image	7
	Dont chaque trait fait gémir ;	7
	Car c’est elle, quel dommage !	7
40	Qui m’empêche de dormir !	7

	Tu jetteras dans l’eau sainte	7
	Ce nœud défait, cette fleur,	7
	Et cet anneau d’hyacinthe	7
	Que je cachais sur mon cœur.	7
45	Va-t’en ! je n’ai plus à rendre	7
	Qu’une âme ardente à souffrir ;	7
	Béni soit qui doit t’apprendre	7
	Que Dieu daigna l’endormir !	7