Métrique en Ligne
DES_1/DES182
Marceline DESBORDES-VALMORE
POÉSIES
1830
POÉSIES INÉDITES
MÉLANGES
LE PETIT PEUREUX
Quoi, Daniel ! à six ans, vous faites le faux brave ; 12
Vous insultez un chien qui dort ; 8
Vous lui tirez l’oreille ! et, raillant votre esclave, 12
Sur ses pas endormis vous dressez une entrave ! 12
5 L’esclave qui sommeille, ô Daniel, n’est pas mort ; 12
Son réveil s’armera d’une dent meurtrière : 12
La preuve en a rougi votre linge en lambeaux. 12
Oui, vous voilà blessé, mais blessé par derrière ! 12
Malgré la nuit, j’y vois. Sauvons-nous des flambeaux, 12
10 Sauvons-nous des témoins !… Moi, je suis votre mère… 12
Je cacherai ta honte, enfant, dans mon amour ! 12
Viens ! j’ai pitié de toi, car la honte est amère. 12
Bénis Dieu : sa bonté vient d’éteindre le jour. 12
Personne ne t’a vu lâche et méchant… Écoute : 12
15 Pour t’appeler méchant, sais-tu ce qu’il m’en coûte ? 12
C’est ton nom pour ce soir ; subis-le devant moi : 12
Va ! personne jamais ne l’entendra que toi. 12
Personne ne t’a vu d’une bête innocente 12
Tourmenter l’indolent sommeil, 8
20 Et, pour irriter son réveil, 8
Lui simuler sa chaîne absente. 8
Cher petit fanfaron, c’est lui qui t’a fait peur. 12
Sa gueule était immense, ouverte à la vengeance. 12
Il te mangeait, Daniel, sans ma tendre indulgence, 12
25 Et tu fuyais en vain, lié par la stupeur. 12
Il m’a cédé sa proie, il a compris mes larmes ; 12
Et peut-être un gâteau que préparait ma main 12
Pour charmer ton loisir demain, 8
L’a rendu tout à fait clément à mes alarmes. 12
30 Je l’avais fait si beau, si grand ! Ne pleure plus ; 12
De tes habits l’eau pure effacera la tache ; 12
Ton âge n’en a pas où le remords s’attache ! 12
Tout ce qui doit survivre à tes cris superflus, 12
Ce qu’il faut regretter par delà ton enfance, 12
35 C’est mon sang…, oui, le mien ! lâchement répandu. 12
Quoi ! sous la dent d’un chien tu l’as déjà perdu, 12
Daniel, et ton pays l’attend pour sa défense ! 12
logo du CRISCO logo de l'université