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Marceline DESBORDES-VALMORE
POÉSIES
1830
POÉSIES INÉDITES
MÉLANGES
LE SAGE ET LES DORMEURS
« Levez-vous de bonne heure, enfants ! disait un sage. 12
N’éteignez pas le jour, la vie est un flambeau ; 12
Tenez les yeux ouverts durant ce court passage : 12
Nous dormons si longtemps couchés dans le tombeau ! » 12
5 Alors qu’un père parle il faut bien se résoudre. 12
On se lève, étouffant de timides rumeurs ; 12
Et la fraîcheur de l’aube achève de dissoudre 12
Quelques pavots épars sur le front des dormeurs. 12
Les voilà dans les bois, où tout s’éveille et chante, 12
10 Où la feuille frémit sur l’arbuste embaumé, 12
Où l’oiseau dit aux fleurs, aux cieux, qu’il est aimé, 12
Où tout brille et s’empreint d’une grâce touchante. 12
Ils vont. L’heureux vieillard de loin poursuit leurs pas. 12
Dans le parfum des fleurs s’exhale sa prière : 12
15 « Dieu ! protégez mes fils ! mes fils !… Ils seront las : 12
Jamais leur pied sitôt n’a foulé la bruyère. » 12
À sa voix ses enfants se jettent dans son sein, 12
Demi-nus, palpitants de peur et de colère. 12
Loin des frelons ainsi l’on voit fuir un essaim 12
20 D’abeilles regagnant la ruche tutélaire. 12
« Voyez, voyez, mon père ! ils nous ont tout ravi, 12
Des brigands qui chantaient, qui raillaient sur nos traces ; 12
De nous lever pour eux ils nous ont rendu grâces. 12
Quel conseil, ô mon père ! et nous l’avons suivi ! 12
25 — N’en dites point de mal, mes fils, suivez-le encore. 12
Demandez aux voleurs riant de leur délit ; 12
S’ils n’avaient avant vous sollicité l’aurore, 12
Ils n’auraient pas trouvé votre argent dans leur lit. » 12
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