Métrique en Ligne
DES_1/DES172
Marceline DESBORDES-VALMORE
POÉSIES
1830
POÉSIES INÉDITES
MÉLANGES
UN BRUIT D’AUTREFOIS
Quel bruit ! quel triste bruit s’échappe de la ville ? 12
Écoute ! Ici, partout, il porte la terreur ! 12
On ne rit plus déjà dans ce riant asile ; 12
Ce bruit glace la danse, il arrête le cœur. 12
5 On dit que loin de nous la liberté s’envole ; 12
On dit qu’il ne faut plus se taire ni parler, 12
Qu’il faut peser trois fois le mot le plus frivole ; 12
Liberté ! comme toi je voudrais m’envoler ! 12
Ce bruit change en froideur l’amitié longue et tendre ; 12
10 On s’observe, on se craint, on se fuit sans retour. 12
Des frères qui s’aimaient ne savent plus s’entendre ; 12
Juge de sa puissance ! il éteindrait l’amour. 12
Une larme, une fleur, donnée avec mystère, 12
Peut nous causer l’exil, et c’est presque la mort ! 12
15 Mon Dieu ! s’il ne faut plus ni parler ni se taire ; 12
La pensée innocente aura l’air d’un remord. 12
On dit qu’au souvenir s’attache la défense. 12
Hélas ! toutes nos voix vont-elles s’arrêter ? 12
Oublîrons-nous le chant qui berça notre enfance ? 12
20 Heureux l’oiseau du ciel : il peut fuir et chanter. 12
Que je plains les mortels ! que je me plains moi-même ! 12
Sais-tu, veux-tu savoir ce que je deviendrais 12
Si l’on me défendait de chanter ce que j’aime ? 12
J’obéirais un jour, et le soir je mourrais. 12
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