POÉSIES INÉDITES
MÉLANGES |
| AUX ENFANTS QUI NE SONT PLUS |
Bien plus heureux que nous, vous n’avez
fait que tremper vos lèvres dans cette
coupe d’amertume qu’il nous faut
épuiser.
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M. Chessière, Ministre protestant.
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Vous ! à peine entrevus au terrestre séjour, |
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Beaux enfants ! voyageurs d’un jour, |
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Quand les astres sont purs, dans leurs tremblantes flammes |
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Voit-on flotter vos jeunes âmes ? |
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Vous qui passez comme les fleurs, |
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Qui ne semblez toucher la terre |
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Que pour vous envoler tout baignés de nos pleurs, |
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Enfants, révélez-nous le triste et doux mystère |
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D’une apparition qui fait rêver le ciel, |
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Et de votre départ si prompt et si cruel. |
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Eh ! comment voyons-nous nos plus pures délices |
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Se changer en amers calices |
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Pleins d’inépuisables regrets ? |
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De ces sources de pleurs contez-nous les secrets. |
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Fleurs des tendres amours ! ne laissez-vous de traces |
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Que vos chastes baisers, que vos tranquilles grâces, |
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Vos larmes sans remords, vos voix d’anges mortels, |
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Qui font des cœurs aimants vos douloureux autels ? |
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Sous une forme périssable, |
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N’êtes-vous pas des cieux les jeunes messagers ? |
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Et vos sourires passagers |
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Portent-ils de la foi l’empreinte ineffaçable ? |
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Venez-vous en courant dire : « Préparez-vous ! |
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Bientôt vous quitterez ce que l’on croit la vie ; |
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Celle qui vous attend seule est digne d’envie : |
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Oh ! venez dans le ciel la goûter avec nous ! |
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Ne craignez pas, venez ! Dieu règne sans colère ; |
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De nos destins charmants vous aurez la moitié. |
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Celui qui pleure, hélas ! ne peut plus lui déplaire ; |
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Le méchant même a part dans sa pitié. |
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Sous sa main qu’il étend toute plaie est fermée ; |
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Qui se jette en son sein ne craint plus l’abandon ; |
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Et le sillon cuisant d’une larme enflammée |
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S’efface au souffle du pardon. |
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Embrassez-nous ! Dieu nous rappelle : |
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Nous allons devant vous ; mères, ne pleurez pas ! |
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Car vous aurez un jour une joie immortelle, |
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Et vos petits enfants souriront dans vos bras. » |
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Ainsi vous nous quittez, innocentes colombes, |
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Et sur nos toits d’exil vous planez un moment, |
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Pour écouter peut-être avec étonnement |
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Les cris que nous jetons à l’entour de vos tombes. |
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Ah ! du moins emportez au sein de notre Dieu |
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Les sanglots dont la terre escorte votre adieu. |
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Allez du moins lui dire : « Il est toujours des mères, |
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Des femmes pour aimer, pour attendre et souffrir, |
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Pour acheter longtemps, par des peines amères, |
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Le bonheur de mourir ! » |
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Ah ! dites-lui : « Toujours les hommes sont à plaindre ; |
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En vous nommant, Seigneur, ils ne s’entendent pas : |
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Plus faibles que l’enfant dont vous guidez les pas, |
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On ne leur apprend qu’à vous craindre. |
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Et nous avons tremblé de demeurer longtemps, |
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De nous perdre sans vous dans leurs sombres vallées ; |
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Et nous avons quitté nos mères désolées : |
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Dieu ! versez quelque espoir dans leurs cœurs palpitants, |
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Elles pleurent encore ! » Il est trop véritable : |
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De vos berceaux déserts le vide épouvantable |
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Les fait longtemps mourir, et crier à genoux : |
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« Nous voulons nos enfants ! Nos enfants sont à nous ! » |
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Mais Dieu pose sa main sur leurs yeux pleins de larmes ; |
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Il éclaire, il console, il montre l’avenir ; |
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L’avenir dévoilé resplendit de vos charmes, |
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Et l’espoir, goutte à goutte, endort le souvenir. |
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La promesse qui les enchante |
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Les suit jusque dans leur sommeil ; |
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Et cette parole touchante |
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Les soutient encore au réveil : |
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« Laissez venir à moi ces jeunes créatures, |
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Et je vous les rendrai ; mères, ne pleurez pas ! |
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Priez ! Dieu vous rendra vos amours les plus pures, |
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Et vos petits enfants souriront dans vos bras. » |
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