Métrique en Ligne
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Marceline DESBORDES-VALMORE
POÉSIES
1830
POÉSIES INÉDITES
MÉLANGES
AU SOMMEIL
Imagen espantosa de la muerte,
Sueno cruel, no turbes mas mi pecho !
Argensola.
Image de la mort, effroi du tendre amour, 12
Sommeil, emporte au loin ce songe épouvantable ! 12
La mort est dans l’adieu d’un ami véritable : 12
Ah ! ne m’avertis pas que l’on se quitte un jour ! 12
5 Dans ton vol escorté de fantômes livides, 12
Va rendre, s’il se peut, la mémoire aux ingrats ; 12
Passe comme un miroir devant ces cœurs arides, 12
Et sous leurs traits hideux va leur tendre les bras ! 12
Que l’avare, étendu dans son étroite couche, 12
10 Rêve une fausse clef près d’atteindre son or ; 12
Qu’il crie, et que sa voix meure au fond de sa bouche, 12
Et qu’un bras invisible entr’ouvre son trésor ! 12
Qu’il entende compter ses richesses cachées ; 12
Que la lampe expirante y jette sa lueur ; 12
15 Paralyse ses mains sur lui-même attachées, 12
Et qu’il tremble, inondé d’une froide sueur ! 12
Va tromper des tyrans les pâles sentinelles, 12
Fais circuler la crainte autour de leurs rideaux , 12
Dissipe les grandeurs qu’ils croyaient éternelles, 12
20 Et de pavots sanglants épaissis leurs bandeaux ! 12
Force de ce palais l’enceinte inaccessible ; 12
Ose annoncer la mort au cœur d’un mauvais roi ; 12
Ordonne à ce cœur insensible 8
D’être au moins sensible à l’effroi ! 8
25 Montre-lui la vengeance implacable, dans l’ombre, 12
Sous les traits d’un esclave armé de tous ses fers. 12
Montre-lui le poignard au feu mourant et sombre 12
Des yeux qu’il fit pleurer : c’est le feu des enfers. 12
Que le beffroi s’ébranle, et tinte à son oreille 12
30 La fureur populaire et son nom abhorré ; 12
Que sa porte d’airain en tombant le réveille 12
Et qu’il ne puisse fuir par la peur égaré ! 12
Mais laisse à l’amour pur des songes sans alarmes ; 12
Laisse au temps à dissoudre un nœud si doux, si fort. 12
35 Malheureux, quand l’amour daigne enchanter nos larmes, 12
On ne veut plus croire à la mort ! 8
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