POÉSIES INÉDITES MÉLANGES |
LA PREMIÈRE HEURE DE L’ANNÉE |
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Minuit ! l’année expire ; et l’année est éclose. |
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Une reine nouvelle entre dans l’univers : |
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Reine enfant, dans ses mains que de hochets divers, |
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Que son sceptre est léger sur l’enfant qui repose ! |
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Je voudrais l’être encor pour te voir plus longtemps, |
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Pour sentir ton berceau près de ma frêle vie, |
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Pour enchaîner ma trame à tes premiers instants, |
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Pour être de toi seul et charmée et suivie ! |
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Au doux frémissement dont l’air est agité, |
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Aux ardentes lueurs que la lampe a jeté, |
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On dirait que le ciel entr’ouvre ma demeure ; |
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La jeune Année y tinte ; et, d’un vœu tourmenté, |
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Tu reviens avec moi goûter sa première heure ! |
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D’une aile palpitante elle étend les ressorts ; |
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Ses jours, déjà comptés, couvent sous sa ceinture. |
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Qu’ils soient riches de fleurs, nos faciles trésors, |
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Nos parfums, seul encens dont j’aime la culture ! |
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Après tant de contrainte, ô toi qui m’es rendu, |
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Dans le désordre heureux de la foule écoulée, |
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Que ta ruse est charmante ! et que j’en suis troublée ! |
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Minuit nous frappe ensemble, et je n’ai rien perdu ! |
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J’enlace dans tes bras à la fois deux années ; |
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Une chaîne de plus serre nos destinées. |
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Quel bonheur ! je la vois naître dans ton regard. |
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En l’écoutant venir tes vœux m’ont embrasée ; |
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J’ai salué du cœur ta rêveuse pensée, |
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Et la force me manque à te dire : Il est tard ! |
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Il n’est pas tard : Minuit ! Le timbre vibre encore ; |
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Écoute : c’est l’adieu d’un si doux souvenir ! |
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Écoute : c’est l’espoir d’un si doux avenir ! |
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Du temps pour les cœurs purs que la voix est sonore ! |
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Comme il est plein d’amour en passant près de toi ! |
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Il compte nos soupirs… Entends-tu comme moi ? |
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Ce qu’il t’a révélé voudras-tu me l’apprendre ? |
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Oui, viens ! d’autres que toi ne me font rien comprendre. |
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On croit mes jours troublés d’un triste égarement, |
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Et tu les as comblés d’espérance et de joie. |
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Mais, pour oser répandre un si cher sentiment, |
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Il faut que je te parle, il faut que je te voie. |
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Dans tes bras je sais tout ; et demain tu viendras ; |
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Laisse-moi donc ce soir me sauver de tes bras. |
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Quand je t’attends, demain, c’est le nom de la vie ; |
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C’est le ciel sans mourir, et tu réponds : Demain ! |
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Tes yeux parlent sur moi, ta main est dans ma main ; |
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Ne promets rien de plus à mon âme ravie. |
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Que demander ? J’existe et j’aime ! Ah ! sans remord |
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Reprends… si tu le peux, ton âme trop charmée : |
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Que faire d’un serment quand on se sent aimée ? |
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Quand on cesse de l’être, empêche-t-il la mort ? |
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Du feu de tes baisers ne sèche pas mes larmes. |
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Je te la dois cette heure où nous vivons tout bas : |
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Je ne donnerais pas ses furtives alarmes |
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Pour l’éternité même où tu ne seras pas. |
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Ne promets rien de plus ; forte est la destinée ! |
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Va chercher le repos, il n’est pas en ce lieu. |
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Va ! nous n’arrêtons pas la diligente année |
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Par nos semblants d’adieux qui prolongent l’adieu. |
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Aime-la ! que demain sa couronne éphémère |
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Touche tes yeux fermés sous son premier sommeil ! |
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Qu’elle apporte à ton cœur, dans le plus frais réveil, |
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Un souvenir d’enfance, un baiser de ta mère ! |
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Ta mère ! et puis ta gloire, et puis… pas un regret. |
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Moi, si je n’ai plus d’heure à cette heure pareille, |
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Que son doux souvenir, penché vers mon oreille, |
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Jusqu’à mon dernier jour m’en reparle en secret ! |
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Me voilà seule : il marche au pied de ma croisée. |
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Comme un flambeau, sur lui, la lune s’est posée ; |
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Elle éclaire ses pas qu’il poursuit lentement. |
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Les bras tendus vers moi, j’ai vu glisser son ombre. |
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Quelle nuit ! l’amour même enchante l’hiver sombre, |
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Et l’heure qui s’oublie escorte mon amant. |
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Jeune Année ! aujourd’hui, ne lui dis rien d’austère ; |
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Flatte-le de ma vie : il craint la mort pour moi. |
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Dis que pas un roseau ne tombera sous toi ; |
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Promets-lui… tous les biens qu’il souhaite à la terre ; |
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Dis qu’un timbre éclatant, sur notre âge arrêté, |
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Frappera dans ton cours son âme généreuse ; |
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Dis que ton sein fécond, pour sa jeunesse heureuse, |
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Enfantera la liberté ! |
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Je suis seule… et c’est Dieu qui juge la prière ! |
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L’ingrat ! il n’a pensé qu’à moi seule, aujourd’hui ! |
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Dieu ! je voudrais vers vous remonter la première, |
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Pour vous la demander, et l’envoyer vers lui ! |
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