Métrique en Ligne
DER_1/DER91
Tristan DERÈME
LA VERDURE DORÉE
1922
XCI
Puisque dans cette chambre où l'amour triompha 12
Des guirlandes de fleurs meurent sur le sofa 12
Et que ton pauvre cœur jaunit avec les roses, 12
Épargne à ta douleur les visions moroses 12
5 De tout ce qui se fane et passe comme toi ; 12
Et ta pipe azurant jusqu'aux poutres du toit 12
Enferme ces bouquets au coffre que tu plombes. 12
Le ciel est gris comme les ailes des palombes ; 12
Et l'air plus frais que les cheveux que tu mordais 12
10 Balance doucement les plats à barbe des 12
Coiffeurs et les lilas qui pendent aux murailles. 12
Ton misérable cœur chante les funérailles 12
Et tu pleures les yeux qui ne te verront plus. 12
Et pourtant tu dansais sous les saules feuillus, 12
15 Les oiseaux gazouillaient dans le parfum des branches 12
Et toi tu poursuivais dans le hallier de blanches 12
Filles et tu marquais leur bouche à belles dents 12
Mais maintenant craintif tu cherches, les pieds dans 12
La rigole, le vol des cigognes lointaines. 12
20 Le bonheur a coulé comme l'eau des fontaines 12
Et tu n'as plus que des fleurs sèches dans les doigts, 12
Toi qui voulais, quand les bourgeons perçaient le bois, 12
Entasser des moissons de roses dans ta grange. 12
Le passé comme un vieux décor déjà s'effrange. 12
25 Mets ton lorgnon ; ferme tes ailes de moineau ; 12
Et pleure en écoutant ce triste piano 12
Qui réveille ton cœur plein d'ariettes grêles. 12
Les beaux jours ont passé comme des tourterelles. 12
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