Métrique en Ligne
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Tristan DERÈME
LA VERDURE DORÉE
1922
LXVIII
Les bouleaux du matin sous quoi tu te recueilles 12
Balancent leur fraîcheur et leur blanc flot de feuilles 12
Déferle en bruissant aux rives de l'été. 12
De jaunes moucherons nagent dans la clarté. 12
5 Un rayon de soleil pique ta jambe nue. 12
Une fouine d'un saut traverse l'avenue. 12
Une guêpe a touché ces genévriers verts. 12
Aux Marcou du futur laisserai-je trois vers ? 12
Un jour les écoliers penchés sur leurs pupitres 12
10 En écoulant vibrer les mouches sur les vitres 12
Trouveront-ils au fond des collèges moisis 12
Une page de moi dans leurs Morceaux choisis 12
Et verront-ils trembler à l'entour de la chaire 12
Ce feuillage d'argent sur la verte fougère 12
15 Et ce bleu liseron qui s'enroule à ta main ? 12
Pourquoi rêver ainsi qu'au soleil de demain 12
Ta gloire s'ouvrira comme une douce ombrelle 12
Et que ta voix pareille à celle tourterelle 12
Roucoulera longtemps ta peine et ton amour ? 12
20 Journaux, parlerez-vous de mes livres et pour 12
Derème écrirez-vous une nécrologie 12
Quand l'aile du destin soufflera sa bougie ? 12
Qu'importe ? N'ai-je pas cette aube que je bois, 12
Ce matin bourdonnant, ces feuilles et ce bois 12
25 Et toi qui dans tes bras endors toute amertume ? 12
Qu'un autre pour l'honneur d'une palme posthume 12
Ferme ses contrevents sur les jardins fleuris 12
Et meure dans son encre et dans ses manuscrits ! 12
Mais moi qui sais jouer des cithares diverses 12
30 Et goûter le soleil, la lune et les averses, 12
Les roses de cristal sur les prés endormis, 12
Je chante pour moi-même et pour quelques amis, 12
Et j'écoute siffler l'air tiède dans ses flûtes 12
En levant vers l'azur ma pipe et ses volutes 12
35 Et sans me soucier sous ces arbres touffus 12
Que dans quatre mille ans on sache que je fus. 12
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