Métrique en Ligne
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Tristan DERÈME
LA VERDURE DORÉE
1922
IV
A Michel Puy.
Que mes poèmes soient étranges 8
Et qu'on les raille et leur auteur, 8
Cela m'est peu, car les louanges 8
Ne sont pas chères à mon cœur, 8
5 Hors celles de quelques poètes 8
Au cœur fervent, au regard pur, 8
Et qui nagent, blanches mouettes, 8
Dans les ténèbres et l'azur. 8
Ma vie en silence s'écoule, 8
10 C'est pour peu d'hommes que j'écris, 8
Car si je chantais pour la foule. 8
Je pousserais bien d'autres cris. 8
De deux poings défiant les astres, 8
Je clamerais à grand fracas 8
15 Et ferais crouler les pilastres 8
Et les balustres sur mes pas. 8
Ou plaignant ma longue misère, 8
En des tumultes mesurés, 8
D'une voix qu'on dirait sincère, 8
20 Apollon, je t'invoquerais. 8
Je pourrais dater une stance, 8
Doux exotisme, de Turin, 8
De Heidelberg ou de Constance, 8
Sans avoir jamais pris le train. 8
25 Et je plairais aux demoiselles, 8
Ayant mis à mon violon, 8
Non des cordes, mais des ficelles, 8
Pour des romances de salon. 8
Et peut-être dans mon vieil âge 8
30 Pourrais-je voir sur mon perron 8
Un laurier bercer son feuillage. 8
Mais à quoi bon ? Mais à quoi bon ? 8
La gloire éclôt, jaunit, se fripe 8
Et s'effeuille de l'aube au soir, 8
35 Et j'aime mieux fumer ma pipe 8
Que renifler son encensoir. 8
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