Métrique en Ligne
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Tristan DERÈME
LA VERDURE DORÉE
1922
CXXVIII
Mes trompettes adolescentes 8
Ont déchiré l'ombre des sentes. 8
J'ai rêvé d'empoigner le crin 8
De Pégase, Jean Pellerin, 8
5 Et d'éblouir les demoiselles 8
Sur le cheval aux blanches ailes. 8
Au bruit des vers que je chantais 8
Je pensais vaincre les cités ; 8
Qu'on jetterait sur mes bottines 8
10 Des lauriers et des églantines ; 8
Que les vierges en me nommant 8
Seraient prises d'un tremblement 8
Et qu'à Passy, charmante ivresse, 8
Les chauffeurs sauraient mon adresse. 8
15 Mais à ce rêve où je me plus. 8
Aujourd'hui je ne songe plus. 8
Mon livre vint et les libraires 8
En vendirent trois exemplaires. 8
Livres vendus ! Ah ! parlons d'eux 8
20 Sur les quais j'en ai revu deux ; 8
Le troisième, sa couverture 8
Couvre des pots de confiture, 8
Et l'épicier que je connais 8
De ses pages fait des cornets. 8
25 Oh ! la plus noire des boutiques ! 8
Le sucre y poisse mes distiques, 8
Et mon sourire et mes sanglots 8
Enveloppent des berlingots 8
Et parfois, dans une élégie, 8
30 Le garçon roule une bougie. 8
Jean Pellerin, Jean Pellerin, 8
Pour la gloire j'ai pris le train, 8
Mais chanteur ivre de lumière 8
Je suis tombé par la portière. 8
35 Et me voilà sur le talus, 8
Là-bas, le train ne parait plus, 8
Et je goûte, suave étude, 8
Les roses de la solitude. 8
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