Métrique en Ligne
DAU_1/DAU14
Alphonse DAUDET
LES AMOUREUSES
POEMES ET FANTAISIES
1858
LES AMOUREUSES
LES PRUNES
I
Si vous voulez savoir comment 8
Nous nous aimâmes pour des prunes, 8
Je vous le dirai doucement, 8
Si vous voulez savoir comment. 8
5 L’amour vient toujours en dormant, 8
Chez les bruns comme chez les brunes ; 8
En quelques mots voici comment 8
Nous nous aimâmes pour des prunes. 8
II
Mon oncle avait un grand verger 8
10 Et moi j’avais une cousine ; 8
Nous nous aimions sans y songer, 8
Mon oncle avait un grand verger. 8
Les oiseaux venaient y manger, 8
Le printemps faisait leur cuisine ; 8
15 Mon oncle avait un grand verger, 8
Et moi j’avais une cousine. 8
III
Un matin nous nous promenions 8
Dans le verger, avec Mariette : 8
Tout gentils, tout frais, tout mignons, 8
20 Un matin nous nous promenions. 8
Les cigales et les grillons 8
Nous fredonnaient une ariette : 8
Un matin nous nous promenions 8
Dans le verger avec Mariette. 8
IV
25 De tous côtés, d’ici, de là, 8
Les oiseaux chantaient dans les branches, 8
En si bémol, en ut, en la, 8
De tous côtés, d’ici, de là. 8
Les prés en habit de gala 8
30 Étaient pleins de fleurettes blanches. 8
De tous côtés, d’ici, de là, 8
Les oiseaux chantaient dans les branches. 8
V
Fraîche sous son petit bonnet, 8
Belle à ravir, et point coquette, 8
35 Ma cousine se démenait, 8
Fraîche sous son petit bonnet. 8
Elle sautait, allait, venait, 8
Comme un volant sur la raquette : 8
Fraîche sous son petit bonnet, 8
40 Belle à ravir et point coquette. 8
VI
Arrivée au fond du verger, 8
Ma cousine lorgne les prunes ; 8
Et la gourmande en veut manger, 8
Arrivée au fond du verger. 8
45 L’arbre est bas ; sans se déranger 8
Elle en fait tomber quelques-unes : 8
Arrivée au fond du verger, 8
Ma cousine lorgne les prunes. 8
VII
Elle en prend une, elle la mord, 8
50 Et, me l’offrant : « Tiens !… » me dit-elle. 8
Mon pauvre cœur battait bien fort ! 8
Elle en prend une, elle la mord. 8
Ses petites dents sur le bord 8
Avaient fait des points de dentelle… 8
55 Elle en prend une, elle la mord, 8
Et, me l’offrant : « Tiens !… » me dit-elle. 8
VIII
Ce fut tout, mais ce fut assez ; 8
Ce seul fruit disait bien des choses 8
(Si j’avais su ce que je sais !…) 8
60 Ce fut tout, mais ce fut assez. 8
Je mordis, comme vous pensez, 8
Sur la trace des lèvres roses : 8
Ce fut tout, mais ce fut assez ; 8
Ce seul fruit disait bien des choses. 8
IX
À MES LECTRICES
65 Oui, mesdames, voilà comment 8
Nous nous aimâmes pour des prunes : 8
N’allez pas l’entendre autrement ; 8
Oui, mesdames, voilà comment. 8
Si parmi vous, pourtant, d’aucunes 8
70 Le comprenaient différemment, 8
Ma foi, tant pis ! voilà comment 8
Nous nous aimâmes pour des prunes. 8
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