Métrique en Ligne
CRO_1/CRO20
Charles CROS
Le Coffret De Santal
1879
CHANSONS PERPÉTUELLES
Les Quatre Saisons
I
Au printemps, c'est dans les bois nus 8
Qu'un jour nous nous sommes connus. 8
Les bourgeons poussaient vapeur verte. 8
L'amour fut une découverte. 8
5 Grâce aux lilas, grâce aux muguets, 8
De rêveurs nous devînmes gais. 8
Sous la glycine et le cytise, 8
Tous deux seuls, que faut-il qu'on dise ? 8
Nous n'aurions rien dit, réséda, 8
10 Sans ton parfum qui nous aida. 8
II
En été les lis et les roses 8
Jalousaient ses tons et ses poses, 8
La nuit, par l'odeur des tilleuls 8
Nous nous en sommes allés seuls. 8
15 L'odeur de son corps, sur la mousse, 8
Est plus enivrante et plus douce. 8
En revenant le long des blés, 8
Nous étions tous deux bien troublés. 8
Comme les blés que le vent frôle, 8
20 Elle ployait sur mon épaule. 8
III
L'automne fait les bruits froissés 8
De nos tumultueux baisers. 8
Dans l'eau tombent les feuilles sèches 8
Et sur ses yeux, les folles mèches. 8
25 Voici les pèches, les raisins, 8
J'aime mieux sa joue et ses seins. 8
Que me fait le soir triste et rouge, 8
Quand sa lèvre boudeuse bouge ? 8
Le vin qui coule des pressoirs 8
30 Est moins traître que ses yeux noirs. 8
IV
C'est l'hiver. Le charbon de terre 8
Flambe en ma chambre solitaire. 8
La neige tombe sur les toits. 8
Blanche ! Oh, ses beaux seins blancs et froids ! 8
35 Même sillage aux cheminées 8
Qu'en ses tresses disséminées. 8
Au bal, chacun jette, poli, 8
Les mots féroces de l'oubli, 8
L'eau qui chantait s'est prise en glace, 8
40 Amour, quel ennui te remplace ! 8
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