Métrique en Ligne
CRO_1/CRO13
Charles CROS
Le Coffret De Santal
1879
CHANSONS PERPÉTUELLES
L'Été
A Laure Bernard.
C'est l'été. Le soleil darde 7
Ses rayons intarissables 7
Sur l'étranger qui s'attarde 7
Au milieu des vastes sables. 7
5 Comme une liqueur subtile 7
Baignant l'horizon sans borne, 7
L'air qui du sol chaud distille 7
Fait trembloter le roc morne. 7
Le bois des arbres éclate. 7
10 Le tigre rayé, l'hyène, 7
Tirant leur langue écarlate, 7
Cherchent de l'eau dans la plaine. 7
Les éléphants vont en troupe, 7
Broyant sous leurs pieds les haies 7
15 Et soulevant de leur croupe 7
Les branchages des futaies. 7
Il n'est pas de grotte creuse 7
Où la chaleur ne pénètre, 7
Aucune vallée ombreuse 7
20 Où de l'herbe puisse naître. 7
Au jardin, sous un toit lisse 7
De bambou, Sitâ sommeille ; 7
Une moue effleure et plisse 7
Parfois sa lèvre vermeille. 7
25 Sous la gaze, d'or rayée, 7
Où son beau corps s'enveloppe, 7
En s'étirant, l'ennuyée 7
Ouvre ses yeux d'antilope. 7
Mais elle attend, sous ce voile 7
30 Qui trahit sa beauté nue, 7
Qu'au ciel la première étoile 7
Annonce la nuit venue. 7
Déjà le soleil s'incline 7
Et dans la mer murmurante 7
35 Va, derrière la colline, 7
Mirer sa splendeur mourante. 7
Et la nature brûlée 7
Respire enfin. La nuit brune 7
Revêt sa robe étoilée, 7
40 Et, calme, apparaît la lune. 7
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