RACCROCS |
FRÈRE ET SŒUR JUMEAUX |
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Ils étaient tous deux seuls, oubliés là par l'âge… |
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Ils promenaient toujours tous les deux, à longs pas, |
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Obliquant de travers, l'air piteux et sauvage… |
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Et deux pauvres regards qui ne regardaient pas. |
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Ils allaient devant eux essuyant les risées, |
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— Leur parapluie aussi, vert, avec un grand bec — |
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Serrés l'un contre l'autre et roides, sans pensées… |
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Eh bien, je les aimais — leur parapluie avec ! — |
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Ils avaient tous les deux servi dans les gendarmes : |
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La Sœur à la popotte, et l'Autre sous les armes ; |
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Ils gardaient l'uniforme encor — veuf de galon : |
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Elle avait la barbiche, et lui le pantalon. |
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Un Dimanche de Mai que tout avait une âme, |
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Depuis le champignon jusqu'au paradis bleu, |
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Je flânais aux bois, seul — à deux aussi : la femme |
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Que j'aimais comme l'air … m'en doutant assez peu. |
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— Soudain, au coin d'un champ, sous l'ombre verdoyante |
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Du parapluie éclos, nichés dans un fossé, |
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Mes Vieux Jumeaux, tous deux, à l'aube souriante, |
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Souriaient rayonnants … quand nous avons passé. |
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Contre un arbre, le vieux jouait de la musette, |
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Comme un sourd aveugle, et sa sœur dans un sillon, |
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Grelottant au soleil, écoutait un grillon |
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Et remerciait Dieu de son beau jour de fête. |
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— Avez-vous remarqué l'humaine créature |
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Qui végète loin du vulgaire intelligent, |
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Et dont l'âme d'instinct, au trait de la figure, |
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Se lit… — N'avez-vous pas aimé de chien couchant ?… |
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Ils avaient de cela — De retour dans l'enfance, |
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Tenant chaud l'un à l'autre, ils attendaient le jour |
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Ensemble pour la mort comme pour la naissance… |
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— Et je les regardais en pensant à l'amour… |
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Mais l'Amour que j'avais près de moi voulut rire ; |
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Et moi, pauvre honteux de mon émotion, |
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J'eus le cœur de crier au vieux duo : Tityre ! — |
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Et j'ai fait ces vieux vers en expiation. |
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