Métrique en Ligne
COR_1/COR145
Pierre CORNEILLE
Imitation De Jésus-Christ
1656
LIVRE QUATRIÈME
CHAPITRE XVI
Que nous devons découvrir toutes nos nécessités
à Jésus-Christ.
Source de tous les biens où nous devons prétendre, 12
Aimable et doux sauveur, 6
Qu'en cet heureux moment je souhaite de prendre 12
Avec pleine ferveur, 6
5 De toutes mes langueurs, de toutes mes foiblesses 12
Tes yeux sont les témoins, 6
Et du plus haut du ciel, d'où tu fais tes largesses, 12
Tu vois tous mes besoins. 6
Tu connois mieux que moi tous mes maux, tous mes vices, 12
10 Toutes mes passions, 6
Et n'ignores aucun des plus secrets supplices 12
De mes tentations. 6
Le trouble qui m'offusque et le poids qui m'accable 12
Sont présents devant toi : 6
15 Tu vois quelle souillure en mon âme coupable 12
Imprime un juste effroi. 6
Je cherche en toi, seigneur, le souverain remède 12
De toutes mes douleurs, 6
Et le consolateur qui me prête son aide 12
20 Contre tant de malheurs. 6
Je parle à qui sait tout, à qui dans mon courage 12
Voit tout à découvert, 6
Et peut seul adoucir les fureurs de l'orage 12
Qui m'entraîne et me perd. 6
25 Tu sais quels biens surtout sont les plus nécessaires 12
À mon cœur abattu, 6
Et combien dans l'excès de toutes mes misères 12
Je suis pauvre en vertu. 6
Je me tiens à tes pieds, chétif, nu, misérable ; 12
30 J'implore ta pitié, 6
Et j'attends, quoique indigne, un effort adorable 12
De ta sainte amitié. 6
Daigne, daigne repaître un cœur qui te mendie 12
Un morceau de ton pain, 6
35 De ce pain tout céleste, et qui seul remédie 12
Aux rigueurs de sa faim. 6
Dissipe mes glaçons par cette heureuse flamme 12
Qu'allume ton amour, 6
Et sur l'aveuglement qui règne dans mon âme 12
40 Répands un nouveau jour. 6
De la terre pour moi rends les douceurs amères, 12
Quoi qu'on m'y puisse offrir ; 6
Mêle aux sujets d'ennuis, mêle aux succès contraires 12
Les plaisirs de souffrir. 6
45 Fais qu'en dépit du monde et de ses impostures 12
Mon esprit ennobli 6
Regarde avec mépris toutes les créatures, 12
Ou les traite d'oubli. 6
Élève tout mon cœur au-dessus du tonnerre ; 12
50 Fixe-le dans les cieux ; 6
Et ne le laisse plus divaguer sur la terre 12
Vers ce qui brille aux yeux. 6
Sois l'unique douceur, sois l'unique avantage 12
Qui puisse l'arrêter ; 6
55 Sois seul toute la viande et seul tout le breuvage 12
Qu'il se plaise à goûter. 6
Deviens tout son amour, toute son allégresse, 12
Tout son bien, tout son but ; 6
Deviens toute sa gloire et toute sa tendresse, 12
60 Comme tout son salut. 6
Fais-y naître un beau feu par ta bonté suprême, 12
Et si bien l'enflammer, 6
Qu'il l'embrase, consume, et transforme en toi-même 12
À force de t'aimer. 6
65 Que par cette union avec toi je devienne 12
Un seul et même esprit, 6
Et qu'un parfait amour à jamais y soutienne 12
Ce que tu m'as prescrit. 6
Ne souffre pas, seigneur, que de ta sainte table, 12
70 Où tu m'as invité, 6
Je sorte avec la faim et la soif déplorable 12
De mon aridité. 6
Par ta miséricorde inspire, avance, opère, 12
Achève tout en moi, 6
75 Ainsi que dans tes saints on t'a vu souvent faire, 12
En faveur de leur foi. 6
Seroit-ce une merveille, ô Dieu, si ta clémence 12
Me mettoit tout en feu, 6
Sans qu'en moi de moi-même en ta sainte présence 12
80 Il restât tant soit peu ? 6
N'es-tu pas ce brasier, cette flamme divine 12
Qui ne s'éteint jamais, 6
Et dont le vif rayon purifie, illumine 12
Et l'âme et ses souhaits ? 6
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