Métrique en Ligne
COP_8/COP201
François COPPÉE
POÈMES DIVERS
1869
LE JONGLEUR
A Catulle Mendès.
Las des pédants de Salamanque 8
Et de l'école aux noirs gradins, 8
Je vais me faire saltimbanque 8
Et vivre avec les baladins. 8
5 Que je dorme entre quatre toiles, 8
La nuque sur un vieux tambour, 8
Mais que la fraîcheur des étoiles 8
Baigne mon front brûlé d'amour. 8
Je consens à risquer ma tête 8
10 En jonglant avec des couteaux, 8
Si le vin, ce but de la quête, 8
Coule à gros sous sur mes tréteaux. 8
Que la bise des nuits flagelle 8
La tente où j'irai bivaquant, 8
15 Mais que le maillot où je gèle 8
Soit fait de pourpre et de clinquant. 8
Que j'aille errant de ville en ville 8
Chassé par le corrégidor, 8
Mais que la populace vile 8
20 M'admire ceint d'un bandeau d'or. 8
Qu'importe que sous la dentelle, 8
Devant mon cynisme doré, 8
Les dévotes de Compostelle 8
Se signent d'un air timoré, 8
25 Si la gitane de Cordoue, 8
Qui sait se mettre sans miroir 8
Des accroche-cœurs sur la joue 8
Et du gros fard sous son œil noir, 8
Trompant un hercule de foire 8
30 Stupide et fort comme un cheval, 8
M'accorde un soir d'été la gloire 8
D'avoir un géant pour rival ! 8
Croule donc, ô mon passé, croule, 8
Espoir des avenirs mesquins, 8
35 Et que je tienne enfin la foule 8
Béante sous mes brodequins ! 8
Et que, l'œil fou de l'auréole 8
Qu'allume ce serpent vermeil, 8
Elle prenne un jour pour idole 8
40 Le fier jongleur, aux dieux pareil ! 8
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