Métrique en Ligne
COP_5/COP145
François COPPÉE
Sonnets intimes et Poèmes inédits
1925
DEUXIÈME PARTIE
A LA MÉMOIRE DE COROT
Lorsque le printemps, cette année, 8
Revint sur les ailes d’avril, 8
La campagne fut étonnée 8
Et songea : « Que me manque-t-il ? » 8
5 En s’ouvrant, la première rose, 8
Quand vint s’y poser le bourdon, 8
Dit, triste, à l’insecte morose 8
« Ce mois de mai, qu’avons-nous donc ? 8
Les bleuets et les campanules 8
10 Furent moins joyeux, cette fois. 8
Les rossignols, aux crépuscules, 8
Eurent des sanglots dans la voix. 8
Les aubépins que le vent frôle 8
Jetèrent moins gaîment leurs fleurs ; 8
15 Les bois soupirèrent ; le saule 8
Sembla verser bien plus de pleurs ; 8
Après une halte plus prompte, 8
L’oiseau s’envola des lilas. 8
Tout enfin semblait avoir honte 8
20 De sa joie et disait : « Hélas ! » 8
— Hélas ! si la campagne est prise 8
De ce mystérieux souci, 8
C’est qu’un bonhomme en blouse grise 8
Ne revient plus, ce printemps-ci. 8
25 Oui, c’est sans doute qu’elle pense 8
Que Corot, que son vieil ami, 8
Pour faire une aussi longue absence, 8
Doit être à jamais endormi ; 8
C’est qu’à la ville, bien loin d’elle, 8
30 Nous avons cloué ce cercueil, 8
Et que de son amant fidèle 8
La nature a droit d’être en deuil. 8
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