Métrique en Ligne
COP_5/COP100
François COPPÉE
Sonnets intimes et Poèmes inédits
1925
PREMIÈRE PARTIE
A DEUX ILES
O siècle ! ceux qui sont trop grands, tu les exiles ! 12
Et tes deux meilleurs fils échoués dans deux îles 12
Y vivent, sans se plaindre et sans un mot amer, 12
Seuls avec leur passé, leur génie et la mer. 12
5 L’Histoire, un jour, voyant se dresser leurs deux ombres, 12
L’une sur les flots bleus, l’autre sur les flots sombres, 12
Et songeant à ce qu’ils ont fait pour l’univers, 12
L’un avec son épée et l’autre avec ses vers, 12
A pu te demander, émue et stupéfaite 12
10 « Où donc est ton soldat ! Où donc est ton poète ! » 12
Et ce jour-là, l’œil terne et le front obscurci, 12
Tu n’as pu que répondre : « Ils ne sont pas ici ! » 12
Du moins ceux de qui l’âme épouse les grands rêves 12
Souvent laissent aller leurs vœux vers ces deux grèves 12
15 Où le soldat sublime et l’immense penseur 12
Regardent, les yeux pleins d’une triste douceur, 12
Sur la mer ondoyante ainsi qu’un champ de seigles, 12
S’éloigner les vaisseaux et s’envoler les aigles ; 12
Et, bien qu’ayant le cœur, hélas ! voilé de deuil, 12
20 Tous, nous sentons alors un confiant orgueil 12
De songer que ce temps a vu de grandes choses 12
Et peut encore, au fond des nuages moroses 12
D’un lointain ténébreux, mais qui s’éclairera, 12
Voir Guernesey tendant la main à Caprera. 12
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