Métrique en Ligne
COP_1/COP28
François COPPÉE
PROMENADES ET INTÉRIEURS
1872
III
Rythme des vagues
J’étais assis devant la mer sur le galet. 12
Sous un ciel clair, les flots d’un azur violet, 12
Après s’être gonflés en accourant du large, 12
Comme un homme accablé d’un fardeau s’en décharge, 12
5 Se brisaient devant moi, rythmés et successifs 12
J’observais ces paquets de mer lourds et massifs 12
Qui marquaient d’un hourra leurs chutes régulières 12
Et puis se retiraient en râlant sur les pierres. 12
Et ce bruit m’enivrait ; et pour écouter mieux 12
10 Je me voilai la face et je fermai les yeux. 12
Alors, en entendant les lames sur la grève 12
Bouillonner et courir, et toujours, et sans trêve 12
S’écrouler en faisant ce fracas cadencé, 12
Moi, l’humble observateur du rythme, j’ai pensé 12
15 Qu’il doit être en effet une chose sacrée, 12
Puisque Celui qui sait, qui commande et qui crée, 12
N’a tiré du néant ces moyens musicaux, 12
Ces falaises au roc creusé par les échos, 12
Ces sonores cailloux, ces stridents coquillages, 12
20 Incessamment heurtés et roulés sur les plages 12
Par la vague, pendant tant de milliers d’hivers, 12
Que pour que l’Océan nous récitât des vers. 12
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