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Sébastien-Roch-Nicolas de CHAMFORT
ŒUVRES COMPLÈTES
(POÉSIES)
1851
POÉSIES DIVERSES
L’ABBÉ CHAULIEU ET LE CARDINAL BERNIS
Chaulieu, disciple d’Épicure, 8
Et des grâces heureux amant, 8
Quand tu chantais si tendrement 8
Ces vers, enfans de la nature, 8
5 Qui t’inspirait ? le sentiment. 8
O toi, qui veux suivre ses traces, 8
Abbé galant et délicat, 8
Dont les pinceaux donnent aux grâces, 8
Cet air coquet de ton état, 8
10 Qui t’inspire cette finesse, 8
Ces traits choisis, cet agrément, 8
Qui voilent le raisonnement, 8
Et font badiner la tendresse ? 8
Tu me réponds : le sentiment. 8
15 Mais viens sur la verte fougère 8
Voir folâtrer cette bergère ; 8
Quelle tendre simplicité ! 8
Son amour lui sert de parure ; 8
Il rend touchante sa beauté ; 8
20 On la prendrait pour la nature 8
Sous les traits de la volupté. 8
Ne dis-tu pas : telle est la muse 8
De Chaulieu, cet aimable auteur ; 8
Il me touche, lorsqu’il m’amuse ; 8
25 Son esprit ne parle qu’au cœur. 8
S’il tient en main sa tasse pleine, 8
Il est Bacchus, je suis Silène. 8
Lorsque sur les lèvres d’Iris, 8
Il cueille ces baisers humides, 8
30 Dont les plaisirs vifs et perfides 8
Suspendent tous les sens surpris, 8
Et livrent les nymphes timides 8
A leurs satyres enhardis, 8
Mon âme s’enivre avec elle, 8
35 Des torrens de sa volupté. 8
Je songe… Plus d’une beauté 8
Sait les nuits que je me rappelle. 8
S’il cesse d’être Anacréon, 8
Pour s’instruire chez Épicure, 8
40 Il détruit la demeure obcure 8
Où l’erreur voyait l’Achéron. 8
A sa voix mon cœur se rassure, 8
Et mes plaisirs bravent Pluton. 8
Plus froid, éblouis davantage ; 8
45 Bernis, je vois dans ton ouvrage 8
Autant d’éclat et moins d’appas ; 8
Ton esprit obtient mon suffrage, 8
Mais mon cœur ne le donne pas. 8
Ta muse est l’adroite coquette 8
50 Qui sait placer un agrément, 8
Faire jouer un diamant, 8
Femme adorable, un peu caillette, 8
Toujours en habit arrangé, 8
Possédant l’art de la toilette, 8
55 Et redoutant le négligé. 8
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