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Sébastien-Roch-Nicolas de CHAMFORT
ŒUVRES COMPLÈTES
(POÉSIES)
1851
POÉSIES DIVERSES
LA VIEILLE DE SEIZE ANS
Lise à quinze ans plut et fut peu cruelle ; 10
Mais Lise, hélas ! fut quittée à seize ans. 10
La pauvre enfant alors, n’amusant qu’elle, 10
Crut d’être aimable avoir passé le temps. 10
5 Son miroir même, à ses yeux pleins de larmes, 10
Ne montrait plus ni beauté, ni fraîcheur ; 10
Toute charmante, elle pleurait ses charmes 10
Et cet air simple exprimait son erreur. 10
J’avais quinze ans, quand tu me trouvais belle ; 10
10 Un an détruit ma beauté, ton ardeur. 10
Mon cœur, hélas ! t’aime encore, infidèle ! 10
Mais à seize ans peut-on offrir son cœur ? 10
Tu me pressais, quel feu !… quelle tendresse !… 10
Mais j’ai seize ans ; adieu tous tes désirs ! 10
15 Du doux plaisir je sens encoreencor l'ivresse ; 10
Mais j’ai seize ans ; adieu tous tes plaisirs ! 10
Quoi ! vingt printemps que toi-même as vu naître, 10
A tous les yeux n’ont fait que t’embellir ! 10
Moi, j’ai seize ans, je n’ose plus paraître ; 10
20 Un an d’amour a donc pu me vieillir ? 10
Hier Damon, qui me poursuit sans cesse, 10
M’offrait un cœur tout prêt à s’enflammer ; 10
Allez, lui dis-je, allez à la jeunesse ; 10
Moi j’ai seize ans, on ne doit plus m’aimer. 10
25 Mais non, cruel, reviens à ta bergère, 10
Reviens, pardonne à mes seize printemps ; 10
S’il faut quinze ans, perfide, pour te plaire, 10
Viens, dans tes bras j’aurai toujours quinze ans. 10
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