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CHE_1/CHE65
André de CHÉNIER
ŒUVRES POÉTIQUES
tome I
1790
ÉGLOGUES
XXXI
Épilogue
Ma muse pastorale aux regards des Français 12
Osait ne point rougir d'habiter les forêts. 12
Elle eût voulu montrer aux belles de nos villes 12
La champêtre innocence et les plaisirs tranquilles ; 12
5 Et ramenant Palès des climats étrangers, 12
Faire entendre à la Seine enfin de vrais bergers. 12
Elle a vu, me suivant dans mes courses rustiques, 12
Tous les lieux illustrés par des chants bucoliques. 12
Ses pas de l'Arcadie ont visité les bois, 12
10 Et ceux du Mincius, que Virgile autrefois 12
Vit à ses doux accents incliner leur feuillage ; 12
Et d'Hermus aux flots d'or l'harmonieux rivage, 12
Où Bion, de Vénus répétant les douleurs 12
Du beau sang d'Adonis a fait naître des fleurs, 12
15 Vous, Aréthuse aussi, que de toute fontaine 12
Théocrite et Moschus firent la souveraine 12
Et les bords montueux de ce lac enchanté, 12
Des vallons de Zurich pure divinité, 12
Qui du sage Gessner à ses nymphes avides 12
20 Murmure les chansons sous leurs antres humides, 12
Elle s'est abreuvée à ces savantes eaux 12
Et partout sur leurs bords a coupé des roseaux. 12
Puisse-t-elle en avoir pris sur les mêmes tiges 12
Que ces chanteurs divins, dont les doctes prestiges 12
25 Ont aux fleuves charmés fait oublier leur cours, 12
Aux troupeaux l'herbe tendre, au pasteur ses amours ! 12
De ces roseaux liés par des nœuds de fougère 12
Elle osait composer sa flûte bocagère 12
Et voulait, sous ses doigts exhalant de doux sons, 12
30 Chanter Pomone et Pan, les ruisseaux, les moissons, 12
Les vierges aux doux yeux, et les grottes muettes, 12
Et de l'âge d'amour les ardeurs inquiètes. 12
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