Métrique en Ligne
CHE_1/CHE46
André de CHÉNIER
ŒUVRES POÉTIQUES
tome I
1790
ÉGLOGUES
XII
Deux belles s'étaient baisées… Le poète berger, témoin jaloux de leurs caresses, chante ainsi :
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Que les deux beaux oiseaux, les colombes fidèles, 12
Se baisent : pour s'aimer les dieux les firent belles. 12
Sous leur tête mobile, un cou blanc, délicat, 12
Se plie, et de la neige effacerait l'éclat. 12
5 Leur voix est pure et tendre, et leur âme innocente, 12
Leurs yeux doux et sereins, leur bouche caressante. 12
L'une a dit à sa sœur : « Ma sœur, ....
En un tel lieu croissent l'orge et le millet.
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L'autour et l'oiseleur, ennemis de nos jours, 12
De ce réduit, peut-être, ignorent les détours. 12
L'autre a dit à sa sœur : Ma sœur, une fontaine coule dans ce bosquet… L'oie ni le canard n'en ont jamais souillé les eaux, ni leurs cris… Viens… nous y trouverons une boisson pure, et nous y baignerons notre tête et nos ailes… et mon bec ira polir ton plumage. Elles vont… Elle se promènent en roucoulant au bord de l'eau… Elles boivent, se baignent, mangent ; puis, sur un rameau, leurs becs s'entrelacent ; elles se polissent leur plumage l'une à l'autre.
10 Le voyageur, passant en ces fraîches campagnes, 12
Dit : « Oh ! les beaux oiseaux ! oh ! les belles compagnes ! » 12
Il s'arrêta longtemps à contempler leurs jeux ; 12
Puis, reprenant sa route et les suivant des yeux, 12
Dit « Baisez, baisez-vous, colombes innocentes ! 12
15 Vos cœurs sont doux et purs, et vos voix caressantes ; 12
Sous votre aimable tête, un cou blanc, délicat, 12
Se plie, et de la neige effacerait l'éclat. » 12
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