Métrique en Ligne
CHE_1/CHE36
André de CHÉNIER
ŒUVRES POÉTIQUES
tome I
1790
ÉGLOGUES
II
Jeune fille, ton cœur avec nous veut se taire. 12
Tu fuis, tu ne ris plus ; rien ne saurait te plaire. 12
La soie à tes travaux offre en vain des couleurs ; 12
L'aiguille sous tes doigts n'anime plus des fleurs. 12
5 Tu n'aimes qu'à rêver, muette, seule, errante, 12
Et la rose pâlit sur ta bouche mourante. 12
Ah ! mon œil est savant et depuis plus d'un jour, 12
Et ce n'est pas à moi qu'on peut cacher l'amour. 12
Les belles font aimer : elles aiment. Les belles 12
10 Nous charment tous. Heureux qui peut être aimé d'elles ! 12
Sois tendre, même faible : on doit l'être un moment. 12
Fidèle, si tu peux. Mais conte-moi comment, 12
Quel jeune homme aux yeux bleus, empressé, sans audace, 12
Aux cheveux noirs, au front plein de charme et de grâce… 12
15 Tu rougis ? On dirait que je t'ai dit son nom. 12
Je le connais pourtant. Autour de ta maison 12
C'est lui qui va, qui vient ; et, laissant ton ouvrage, 12
Tu cours, sans te montrer, épier son passage. 12
Il fuit vite ; et ton œil, sur sa trace accouru, 12
20 Le suit encor longtemps quand il a disparu. 12
Nul, en ce bois voisin où trois fêtes brillantes 12
Font voler au printemps nos nymphes triomphantes, 12
Nul n'a sa noble aisance et son habile main 12
A soumettre un coursier aux volontés du frein. 12
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