|
O jeune adolescent ! tu rougis devant moi. |
12 |
20 |
Vois mes traits sans couleur ; ils pâlissent pour toi ; |
12 |
|
C'est ton front virginal, ta grâce, ta décence ; |
12 |
|
Viens. Il est d'autres jeux que les jeux de l'enfance. |
12 |
|
O jeune adolescent, viens savoir que mon cœur |
12 |
|
N'a pu de ton visage oublier la douceur. |
12 |
25 |
Bel enfant, sur ton front la volupté réside. |
12 |
|
Ton regard est celui d'une vierge timide. |
12 |
|
Ton sein blanc, que ta robe ose cacher au jour, |
12 |
|
Semble encore ignorer qu'on soupire d'amour. |
12 |
|
Viens le savoir de moi. Viens, je veux te l'apprendre ; |
12 |
30 |
Viens remettre en mes mains ton âme vierge et tendre |
12 |
|
Afin que mes leçons, moins timides que toi, |
12 |
|
Te fassent soupirer et languir comme moi ; |
12 |
|
Et qu'enfin rassuré, cette joue enfantine |
12 |
|
Doive à mes seuls baisers cette rougeur divine. |
12 |
35 |
Oh ! je voudrais qu'ici tu vinsses un matin |
12 |
|
Reposer mollement ta tête sur mon sein ! |
12 |
|
Je te verrais dormir, retenant mon haleine, |
12 |
|
De peur de t'éveiller, ne respirant qu'à peine. |
12 |
|
Mon écharpe de lin, que je ferais flotter, |
12 |
40 |
Loin de ton beau visage aurait soin d'écarter |
12 |
|
Les insectes volants dont les ailes bruyantes |
12 |
|
Aiment à se poser sur les lèvres dormantes… |
12 |
|
............................................................................. |
|
|
............................................................................. |
|
|
La nymphe l'aperçoit, et l'arrête, et soupire. |
12 |
|
Vers un banc de gazon, tremblante, elle l'attire ; |
12 |
45 |
Elle s'assied. Il vient, timide, avec candeur, |
12 |
|
Ému d'un peu d'orgueil, de joie et de pudeur. |
12 |
|
Les deux mains de la nymphe errent à l'aventure. |
12 |
|
L'une, sur son front blanc, va de sa chevelure |
12 |
|
Former les blonds anneaux. L'autre de son menton |
12 |
50 |
Caresse lentement le mol et doux coton. |
12 |
|
« Approche, bel enfant, approche, lui dit-elle, |
12 |
|
Toi si jeune et si beau, près de moi jeune et belle. |
12 |
|
Viens, ô mon bel ami, viens, assieds-toi sur moi. |
12 |
|
Dis, quel âge, mon fils, s'est écoulé pour toi ? |
12 |
55 |
Aux combats du gymnase as-tu quelque victoire ? |
12 |
|
Aujourd'hui, m'a-t-on dit, tes compagnons de gloire, |
12 |
|
Trop heureux, te pressaient entre leurs bras glissants, |
12 |
|
Et l'olive a coulé sur tes membres luisants. |
12 |
|
Tu baisses tes yeux noirs ? Bienheureuse la mère |
12 |
60 |
Qui t'a formé si beau, qui t'a nourri pour plaire ! |
12 |
|
Sans doute elle est déesse. Eh quoi ! ton jeune sein |
12 |
|
Tremble et s'élève ? Enfant, tiens, porte ici ta main. |
12 |
|
Le mien plus arrondi s'élève davantage. |
12 |
|
Ce n'est pas (le sais-tu ? déjà dans le bocage |
12 |
65 |
Quelque voile de nymphe est-il tombé pour toi ?) |
12 |
|
Ce n'est pas cela seul qui diffère chez moi. |
12 |
|
Tu souris ? tu rougis ? Que ta joue est brillante ? |
12 |
|
Que ta bouche est vermeille et ta peau transparente ? |
12 |
|
N'es-tu pas Hyacinthe au blond Phébus si cher ? |
12 |
70 |
Ou ce jeune Troyen ami de Jupiter ? |
12 |
|
Ou celui qui, naissant pour plus d'une immortelle, |
12 |
|
Entr'ouvrit de Myrrha l'écorce maternelle ? |
12 |
|
Ami, qui que tu sois, oh ! tes yeux sont charmants. |
12 |
|
Bel enfant, aime-moi. Mon cœur de mille amants |
12 |
75 |
Rejeta mille fois la poursuite enflammée ; |
12 |
|
Mais toi seul aime-moi, j'ai besoin d'être aimée. |
12 |
|
Mon amour, aime-moi. Sur l'herbe, chaque soir, |
12 |
|
Au coucher du soleil nous viendrons nous asseoir. » |
12 |
|
Viens : là sur des joncs frais ta place est toute prête. |
12 |
80 |
Viens, viens, sur mes genoux viens reposer ta tête. |
12 |
|
Les yeux levés sur moi, tu resteras muet, |
12 |
|
Et je te chanterai la chanson qui te plaît. |
12 |
|
Comme on voit, au moment où Phœbus va renaître |
12 |
|
La nuit prête à s'enfuir, le jour prêt à paraître, |
12 |
85 |
Je verrai tes beaux yeux, les yeux de mon ami, |
12 |
|
En un demi-sommeil se fermer à demi. |
12 |
|
Tu me diras : « Adieu, je dors, adieu, ma belle. |
12 |
|
— Adieu, dirai-je, adieu, dors, mon ami fidèle, |
12 |
|
Car le ............. aussi dort le front vers les cieux, » |
|
90 |
Et j'irai te baiser et le front et les yeux. |
12 |
|
Ne me regarde point, cache, cache tes yeux ; |
12 |
|
Mon sang en est brûlé ; tes regards sont des feux. |
12 |
|
Viens, viens. Quoique vivant et dans ta fleur première, |
12 |
|
Je veux avec mes mains te fermer la paupière, |
12 |
95 |
Ou, malgré tes efforts, je prendrai tes cheveux |
12 |
|
Pour en faire un bandeau qui te cache les yeux. |
12 |