Métrique en Ligne
CHE_1/CHE19
André de CHÉNIER
ŒUVRES POÉTIQUES
tome I
1790
ÉLÉGIES ANTIQUES
III
La Jeune Tarentine
Pleurez, doux alcyons ! ô vous oiseaux sacrés, 12
Oiseaux chers à Thétis, doux alcyons, pleurez ! 12
Elle a vécu, Myrto, la jeune Tarentine ! 12
Un vaisseau la portait aux bords de Camarine : 12
5 Là, l'hymen, les chansons, les flûtes, lentement 12
Devaient la reconduire au seuil de son amant. 12
Une clef vigilante a, pour cette journée, 12
Dans le cèdre enfermé sa robe d'hyménée, 12
Et l'or dont au festin ses bras seraient parés, 12
10 Et pour ses blonds cheveux les parfums préparés. 12
Mais seule, sur la proue, invoquant les étoiles, 12
Le vent impétueux qui soufflait dans les voiles 12
L'enveloppe : étonnée et loin des matelots, 12
Elle crie, elle tombe, elle est au sein des flots. 12
15 Elle est au sein des flots, la jeune Tarentine 12
Son beau corps a roulé sous la vague marine. 12
Thétis, les yeux en pleurs, dans le creux d'un rocher, 12
Aux monstres dévorants eut soin de le cacher. 12
Par ses ordres bientôt les belles Néréides 12
20 L'élèvent au-dessus des demeures humides, 12
Le portent au rivage, et dans ce monument 12
L'ont au cap du Zéphyr déposé mollement ; 12
Puis de loin, à grands cris appelant leurs compagnes, 12
Et les nymphes des bois, des sources, des montagnes, 12
25 Toutes, frappant leur sein et traînant un long deuil, 12
Répétèrent, hélas ! autour de son cercueil : 12
« Hélas ! chez ton amant tu n'es point ramenée ; 12
Tu n'as point revêtu ta robe d'hyménée ; 12
L'or autour de tes bras n'a point serré de nœuds ; 12
30 Les doux parfums n'ont point coulé sur tes cheveux. » 12
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