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CHA_2/CHA24
François-René de CHATEAUBRIAND
POÉSIES DIVERSES
1797-1827
XIV
Les malheurs de la révolution
Sors des demeures souterraines, 8
Néron, des humains le fléau ! 8
Que le triste bruit de nos chaînes 8
Te réveille au fond du tombeau. 8
5 Tout est plein de trouble et d'alarmes : 8
Notre sang coule avec nos larmes ; 8
Ramper est la première loi : 8
Nous traînons d'ignobles entraves ; 8
On ne voit plus que des esclaves : 8
10 Viens : le monde est digne de toi. 8
Ils sont dévastés dans nos temples 8
Les monuments sacrés des rois : 8
Mon œil effrayé les contemple ; 8
Je tremble et je pleure à la fois. 8
15 Tandis qu'une fosse commune 8
Des grandeurs et de la fortune 8
Reçoit les funèbres lambeaux, 8
Un spectre, à la voix menaçante, 8
A percé la tombe récente 8
20 Qui dévora les vieux tombeaux. 8
Sa main d'une pique est armée : 8
Un bonnet cache son orgueil ; 8
Par la mort sa vue est charmée : 8
Il cherche un tyran1 au cercueil. 8
25 Courbé sur la poudre insensible, 8
Il saisit un sceptre terrible 8
Qui du lis a flétri la fleur, 8
Et d'une couronne gothique 8
Chargeant son bonnet anarchique, 8
30 Il se fait roi de la douleur. 8
Voilà le fantôme suprême, 8
Français, qui va régner sur vous 8
Du républicain diadème 8
Portez le poids léger et doux. 8
35 L'anarchie et le despotisme, 8
Au vil autel de l'athéisme, 8
Serrent un nœud ensanglanté, 8
Et s'embrassant dans l'ombre impure, 8
Ils jouissent de la torture 8
40 De leur double stérilité. 8
L'échafaud, la torche fumante, 8
Couvrent nos campagnes de deuil. 8
La Révolution béante 8
Engloutit le fils et l'aïeul. 8
45 L'adolescent qu'atteint sa rage 8
Va mourir au champ du carnage 8
Ou dans un hospice exilé ; 8
Avant qu'en la tombe il s'endorme, 8
Sur un appui de chêne ou d'orme, 8
50 Il traîne un buste mutilé. 8
Ainsi quand l'affreuse Chimère2 8
Apparut non loin d'Ascalon, 8
En vain la tendre et faible mère 8
Cacha ses enfants au vallon. 8
55 Du Jourdain les roseaux frémirent ; 8
Au Liban les cèdres gémirent, 8
Les palmiers à Jézeraël, 8
Et le chameau laissé sans guides, 8
Pleura dans les sables arides 8
60 Avec les femmes d'Ismaël. 8
Napoléon de son génie 8
Enfin écrase les pervers ; 8
L'ordre renaît : la France unie 8
Reprend son rang dans l'univers. 8
65 Mais, géant, fils aîné de l'homme, 8
Faut-il d'un trône qu'on te nomme 8
Usurpateur ? Mal fécondé, 8
L'illustre champ de ta victoire 8
Devait-il renier la gloire 8
70 Du vieux Cid et du grand Condé ? 8
Racontez, nymphes de Vincenne, 8
Racontez des faits inouïs3, 8
Vous qui présidiez sous un chêne 8
A la justice de Louis ! 8
75 Oh ! de la mort chantre sublime4. 8
Toi qui d'un héros magnanime 8
Rends plus grand le grand souvenir, 8
Quels cris aurais-tu fait entendre, 8
Si, quand tu pleurais sur sa cendre, 8
80 Ton œil eût sondé l'avenir ? 8
Le vieillard-roi dont la clef sainte 8
De Rome garde les débris 8
N'a pu, dans l'éternelle enceinte, 8
A son front trouver des abris 8
85 On peut charger ses mains débiles 8
De fers ingrats5, mais inutiles, 8
Car il reste au juste nouveau 8
La force de sa croix divine, 8
Et de sa couronne d'épine, 8
90 Et de son sceptre de roseau. 8
Triomphateur, notre souffrance 8
Se fatigue de tes lauriers ; 8
Loin du doux soleil de la France 8
Devais-tu laisser nos guerriers6? 8
95 La Duna, que tourmente Éole, 8
Au Neptune inconnu du pôle 8
Roule leurs ossements blanchis, 8
Tandis que le noir Borysthène 8
Va conter le deuil de la Seine 8
100 Aux mers brillantes de Colchis. 8
A l'avenir ton âme aspire ; 8
Avide encore du passé, 8
Tu veux Memphis ; du temps l'empire 8
Par l'aigle sera traversé. 8
105 Mais, Napoléon, ta mémoire 8
Ne se montrera dans l'histoire 8
Que sous le voile de nos pleurs : 8
Lorsqu'à t'admirer tu m'entraînes, 8
La liberté me dit ses chaînes 8
110 La vertu m'apprend ses douleurs. 8
Louis XI. Ce roi ne fut point enterré à Saint-Denis :
peu importe au poète.
Prise ici pour le monstre marin d'Andromède.
Mort du duc d'Enghien.
Bossuet.
Le pape à Fontainebleau.
Campagne de Moscou.
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