Métrique en Ligne
CAR_1/CAR1
corpus Pamela Puntel
Étienne CARJAT
ASSEZ D'AZUR !
Poème publié dans le journal LE GAULOIS (1870)
1870
ASSEZ D'AZUR !
O nature, mère superbe, 8
Créatrice du genre humain, 8
Qui recouvres de fleurs et d'herbe 8
Ton corps immense et souverain, 8
5 Dépouille aujourd'hui ta parure ; 8
Appelle à toi le vent d'hiver 8
Pour secouer ta chevelure 8
Des grands bois au feuillage vert ! 8
Prends en pitié ta vieille Gaule, 8
10 La fauve et courageuse enfant 8
Qui mit sa griffe sur l'épaule 8
Du sénat romain triomphant ! 8
Viens en notre aide, ô mâle aïeule 8
Qui souriais au roux Brennus ; 8
15 La France à son tour combat seule 8
Tous les bâtards d'Arminius ; 8
Voile pour eux, fière nourrice, 8
Le sein où nous avons dormis ; 8
Que ta mamelle se tarisse 8
20 Sous la lèvre de l'ennemi ! 8
Que la pâle et maigre famine 8
Décime enfin ses rangs serrés ! 8
Qu'elle emporte au loin la vermine 8
Qui s'attache à tes flancs sacrés ! 8
25 Assez d'azur ! Qu'un noir nuage, 8
Lourd précurseur des châtiments, 8
Déchaine impétueux l'orage 8
Sur ce ramassis d'Allemands ! 8
Que le tonnerre indigné gronde, 8
30 Foudroyant les casques germains ! 8
Que le sang de la race blonde 8
Coule, écumant, dans nos chemins ! 8
Que le Prussien stratégiste, 8
A travers les troncs éclaircis, 8
35 Ne puisse plus cacher sa piste 8
Et nous montre enfin ses fusils ! 8
Qu'à l'horizon, sa ligne sombre 8
Apparaisse un jour en plein air, 8
Et notre plomb, riant du nombre, 8
40 Ira joyeux, fouiller sa chair. 8
Que sous ses pieds maudits s'effondre 8
le sol qu'il parcourt en vainqueur ! 8
Que les canons qu'on vient de fondre 8
Lui crachent la mort en plein cœur ! 8
45 Que la pluie à torrents ruisselle, 8
Gonflant les fleuves débordant, 8
Emportant Fritz et sa séquelle, 8
Moltke et Bismarck l'outrecuidant ! 8
Que l'âcre bise par rafales 8
50 Glace leurs os sous leurs manteaux ! 8
Que les uhlans sur leurs cavales 8
Gèlent la nuit sur nos coteaux ! 8
Que la neige par avalanches 8
Les couvre d'un épais linceul, 8
55 Et que l'ogre aux moustaches blanches, 8
Pour compter les morts, reste seul ! 8
Que ce peuple de géomètres, 8
Qui nous fait la guerre au compas, 8
S'il nous tue à neuf mille mètres, 8
60 A bout portant n'échappe pas ! 8
Qu'il ose affronter nos murailles, 8
Ce vieux roi prudent et sensé ; 8
Nous lui ferons des funérailles 8
Dignes du sang qu'il a versé ! 8
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