Métrique en Ligne
CAO_1/CAO39
Jean Baptiste CAOUETTE
LES VOIX INTIMES
1892
POÉSIES DIVERSES
UN HÉROS DE 1870
(A mon bienfaiteur et vieil ami, M. Philéas Huot.)
Il offrit à la France et son cœur et sa vie.
I
En l'an de grâce mil huit cent soixante et quatre, 12
Dans le froid célibat vivait Pierre Francœur ; 12
Contre l'amour son âme avait voulu combattre, 12
Mais à la fin l'amour était resté vainqueur ! 12
5 Un soir, se promenant sur l'immense terrasse 12
Qui couronne le front du haut Cap Diamant, 12
Pierre avait aperçu ‒ vrai type de sa race ‒ 12
Une blonde fillette au visage charmant. 12
Il se souvint qu'un jour, quittant la cathédrale, 12
10 La jeune fille et lui s'étaient vus en passant ; 12
Il avait même osé lui tendre l'eau lustrale 12
Qu'elle avait acceptée en le remerciant… 12
Mais ce soir, elle était au bras de son vieux père, 12
Comme une belle pêche aux branches du pêcher ; 12
15 Son cœur avait battu lorsqu'elle avait vu Pierre 12
Qui semblait du regard vouloir la rechercher. 12
Le père, en remarquant l'émotion de Rose, 12
(Car Rose était son nom) avait tout deviné. 12
« Allons, avait-il dit, pourquoi cet air morose ? 12
20 Et pourquoi donc ton œil s'est-il illuminé ? 12
Quoi ! tu ne parles plus ? tu n'étais pas muette, 12
Ma petite, tantôt. Tu trembles follement : 12
Aurais-tu peur ? voyons, une bonne fillette 12
A son père, toujours doit parler franchement. » 12
25 Rose voulait parler, mais ses lèvres timides 12
Ne faisaient qu'exhaler des soupirs douloureux ; 12
Et ses grands yeux d'azur, si doux et si limpides, 12
Se troublaient et parfois lançaient d'étranges feux. 12
Le vieillard, en voyant l'embarras de sa fille, 12
30 Qu'il n'aurait pas voulu davantage effrayer, 12
Après avoir jeté sur elle une mantille, 12
L'avait, le cœur ému, ramenée au foyer. 12
Pierre était resté là, droit comme une statue, 12
Regardant s'envoler l'objet de ses amours ; 12
35 Car il l'aimait déjà, cette belle inconnue, 12
Et son cœur lui disait qu'il l'aimerait toujours ! 12
Il y rêvait encor, quand l'airain de l'église, 12
Égrenant dans les airs les notes de minuit, 12
Le tira de son rêve, et, prompt comme la brise, 12
40 Il courut aussitôt vers son humble réduit. 12
Le lendemain matin, avec la pâle aurore, 12
Rose s'était levée en proie à la douleur. 12
Pensive, elle écoutait l'hymne doux et sonore 12
Que les chantres ailés adressaient au Seigneur. 12
45 Puis des larmes voilaient l'éclat de sa prunelle ; 12
Sa bouche murmurait des mots incohérents. 12
« Je le reverrai donc, ici, soupira-t-elle, 12
Du moins c'est le désir de mes tendres parents… » 12
De fait, la veille au soir, à sa fille chérie, 12
50 Ce père avait parlé le langage du cœur ; 12
« J'ai deviné l'amour, ou plutôt la folie 12
qui trouble en ce moment ta joie et ton bonheur. 12
Ce jeune homme me plaît ; il a bonne figure, 12
Taille robuste, œil vif et mains d'un travailleur ; 12
55 Ces dons du corps, souvent, sont d'un superbe augure, 12
Mais aimer Dieu, ma fille, est un don des meilleurs. 12
Est-il un bon chrétien ? J'en jugerai moi-même, 12
Oui, car avant longtemps je le rencontrerai ; 12
Si je suis convaincu qu'avec ardeur il t'aime, 12
60 Ma parole d'honneur ! Je te l'amènerai… » 12
Le nom de ce vieillard, de ce père excentrique, 12
Était Jacques Benoit. Il ne redoutait rien ; 12
Il eut versé son sang pour la foi catholique ; 12
Il se glorifiait d'être né Canadien ! 12
65 Pierre enfin se coucha ; mais l'amère insomnie 12
Jusques au point du jour tortura son cerveau ; 12
Espérant mettre un terme à sa longue agonie, 12
Dans sa forge, il alla manœuvrer le marteau. 12
Il tenait à Saint-Roch une large boutique 12
70 Où le bruit de l'enclume aux rires se mêlait. 12
Le soir, après souper, pour parler politique, 12
Sous ce toit enfumé souvent l'on s'assemblait. 12
Pierre, ce matin-là, suait à grosses gouttes, 12
Lui, le gai forgeron aux bras si vigoureux ! 12
75 Ah ! c'est qu'alors son cœur entretenait des doutes 12
Sur l'accomplissement de ses projets heureux… 12
« Pourtant, se disait-il, il faut que je connaisse 12
Cet ange blond qui fait ma joie et mon tourment ; 12
Je veux mettre à son front, où brille la jeunesse, 12
80 Les roses de l'hymen ‒ divin couronnement ! » 12
Cinq jours plus tard, assis sur le seuil de sa porte, 12
Il respirait du soir l'agréable fraîcheur ; 12
Devant lui défilait la nombreuse cohorte 12
Des braves ouvriers revenant du labeur. 12
85 ‒ Eh ! bonjour, Messieu Pierre ! exclamait tout le monde, 12
Car il était connu parmi les travailleurs ; 12
On proclamait sa force une lieue à la ronde : 12
A lui seul ! il avait rossé trois batailleurs… 12
Mais Pierre, tout-à-coup, s'élança dans la rue 12
90 Pour saisir un coursier qui venait au galop, 12
Trimbalant dans un fiacre une enfant éperdue 12
Dont la terreur offrait le plus triste tableau. 12
Notre héros, soudain, au péril de sa vie, 12
Bondit comme un lion au cou de l'animal 12
95 Qui s'élança d'abord avec plus de furie, 12
Mais se calma bientôt, vaincu par son rival ! 12
Presque aussitôt survint un homme à barbe blanche : 12
C'était Jacques Benoit, le maître du cheval !… 12
Dans Pierre il reconnut, à sa figure franche, 12
100 Celui que son enfant nommait son idéal ! 12
Prenant du forgeron la main forte et grossière, 12
Il sa serra longtemps avec effusion : 12
« Ami, vous êtes brave et d'une race fière, 12
Car de là-bas j'ai vu votre belle action. 12
105 Comment vous exprimer ce qu'éprouve mon âme ? 12
Ajouta le vieillard, visiblement confus ; 12
La gratitude, allez ! ‒ cette vivace flamme ‒ 12
Brûlera dans mon cœur pour ne s'éteindre plus ! 12
Oui, sans vous la fillette, à l'heure où je vous parle, 12
110 Serait peut-être morte, oh ! j'en frémis d'horreur ! 12
Je vous cherchais… pardon… je cherchais l'ami Charle… 12
Quand mon fougueux coursier a fui comme un voleur ! » 12
Pierre, d'emblée, avait reconnu le vieux père 12
De l'ange au front rêveur qui troublait son repos ; 12
115 Et, surpris de le voir, il regardait la terre 12
Sans pouvoir seulement bredouiller quelques mots ! 12
Mais bientôt, recouvrant son ferme caractère, 12
Il dit, en désignant sa modeste maison : 12
‒ « Entrez donc sous le toit d'un vieux célibataire ! 12
120 ‒ Vieux, dites-vous ? Ah ! Ah ! oui, vieux… par la raison ! 12
‒ Vous êtes trop flatteur ; je passe la trentaine 12
Depuis quatre printemps.
‒ Ne vous désolez pas,
Car, à trente-quatre ans, la vieillesse est lointaine, 12
C'est l'âge où l'on ne voit que les fleurs sous ses pas. » 12
125 Laissons-les discourir, en prenant le breuvage, 12
Sur l'étrange incident qui les a réunis, 12
Et revenons à Rose. Elle veille au ménage, 12
Y mettant une adresse et des soins infinis. 12
Ses mains ont tout rangé dans un ordre admirable, 12
130 Depuis les objets d'art jusqu'au luisant miroir ; 12
Et par la porte ouverte, on aperçoit la table 12
sur laquelle est servi l'humble repas du soir. 12
Sa mère, vieille femme, arrive de l'église, 12
Où souvent elle va prier le roi des cieux ; 12
135 Mais sur son front de suite éclate la surprise 12
En ne voyant que Rose apparaître à ses yeux. 12
‒ « Et ton bon père, enfant ?
‒ Pas de retour encore !
‒ Pauvre vieux ! de ce train il sera bientôt mort ! 12
Car pour trouver celui que ta jeune âme adore, 12
140 Il peut mettre à l'envers tout Québec et Beauport… 12
‒ « Ciel ! que vois-je ! fit Rose, en courant vers la porte : 12
Mon père qui revient avec notre inconnu… 12
Mais, réprimant alors l'ardeur qui la transporte, 12
Elle recule et dit : Qu'il soit le bienvenu ! » 12
145 En effet aussitôt sautèrent de voiture 12
Pierre et Jacques Benoit, ce vieux Roger-Bontemps. 12
La gaîté rayonnait sur leur bonne figure, 12
Mais, hélas ! la gaîté ne dura pas longtemps ! 12
Lorsque la jeune fille ouït la voix vibrante 12
150 De l'homme qu'elle aimait, son cœur battit bien fort ; 12
Elle rougit, s'émut ; et sa lèvre brûlante 12
Laissa tomber un cri d'ineffable transport ! 12
« Mordienne ! qu'as-tu donc, ô mon enfant chérie, 12
S'écria le vieillard, lui saisissant la main ; 12
155 Nous t'aimons, tu le sais, avec idolâtrie, 12
Et voulons du bonheur te tracer le chemin. 12
Monsieur Pierre Francœur ‒ que tout le monde approche, 12
Et que je suis heureux de recevoir chez moi ‒ 12
Est un noble artisan sans peur et sans reproche, 12
160 Qui serait enchanté de vivre sous ta loi ; 12
Il m'a fait cet aveu quand j'étais à sa table, 12
(Car tu sauras tantôt comment je l'ai connu). 12
Catholique fervent, honnête et charitable, 12
Enfant, tel est celui que tu crois inconnu ! 12
165 Tu pleures à présent ! voyons, voyons petite ! 12
Sèche ces vilains pleurs qui rougissent tes yeux ; 12
Prouve à ce beau Monsieur qu'ici la joie habite 12
Et que notre étiquette est celle des aïeux ! 12
Rose, en effet, pleurait ! Ses bienfaisantes larmes, 12
170 Comme des diamants jusqu'à ses pieds roulaient ; 12
Cet aimable chagrin faisait briller ses charmes ; 12
Pierre et les deux vieillards, ravis, la contemplaient. 12
Oui, cette enfant pleurait ! mais un chaste délice 12
Sous ce voile de pleurs alors se déguisait ; 12
175 Elle avait mis sa lèvre à l'enivrant calice, 12
Et pleurait le bonheur que son cœur y puisait ! 12
O larmes précieuses, 6
Douces, silencieuses, 6
Baume consolateur 6
180 Inénarrable joie, 6
Que du ciel nous envoie 6
Le divin Créateur ! 6
Des grands yeux bleus de Rose, 6
Coule, rosée éclose 6
185 Du pur et saint amour ; 6
Ah ! rafraîchis son âme 6
Dont la soif te réclame ; 6
Oui, coule en ce beau jour ! 6
Mais Rose, revenant de la folle surprise 12
190 Qu'elle avait éprouvée en revoyant Francœur, 12
Lui dit :
« Veuillez, Monsieur, excuser ma franchise :
Vous m'avez trop causé de joie et de bonheur !… » 12
Ce gracieux reproche, au lieu de blesser Pierre, 12
Alluma dans son âme une lueur d'espoir ; 12
Il répondit :
195 « Le ciel exauce ma prière,
Puisque l'ai maintenant l'honneur de vous revoir. » 12
« Bravo ! bravissimo ! trois fois bravo, mordienne ! 12
Glapit Jacques Benoit, tout fier de ce début ; 12
Merveilleusement dit, ma parole chrétienne ! 12
200 De ce pas, mes enfants, vous atteindrez le but ! 12
Allons, Monsieur Francœur, allons, sans gêne, à table ! 12
Nous avons, il est vrai, chez vous fait bon repas ; 12
Mais ma femme et ma fille ont de la dent, que diable ! 12
Et le jeûne ce soir ne leur conviendrait pas ! » 12
205 Le galant accepta la franche politesse, 12
Puis, en homme d'usage, il but et mangea peu. 12
De Rose il admira la beauté, la finesse, 12
Et la complimenta sur l'exquis pot-au-feu. 12
Après ce gai repas, on fit de la musique 12
210 Dans un petit salon de fleurs tout embaumé ; 12
Rose, en s'accompagnant, chanta plus d'un cantique 12
Où le nom de Marie était souvent rimé. 12
Pierre ne chantait pas, lui, selon les principes ; 12
Il en connaissait point l'art des dilettanti ; 12
215 Il ignorait aussi l'accord des participes, 12
Mais chanta volontiers plus d'un couplet joli. 12
Ce soir-là, chez Benoit, on était en liesse ; 12
Les cœurs, jeunes et vieux, vibraient à l'unisson. 12
Les deux vieillards tout bas, se répétaient sans cesse 12
220 Que Rose pour époux aurait un beau garçon ! 12
« Comment le trouves-tu, Rose et toi, bonne vieille ? 12
Demanda le vieillard, quand Pierre fut parti. 12
Rose joyeuse, dit :
‒ Vraiment il m'émerveille !
Et sa mère ajouta :
‒ C'est un fameux parti !… »
225 Dieu ! que les vrais plaisirs sont de courte durée ! 12
Pensait, en cheminant, le jeune homme amoureux ; 12
Je veux garder toujours de ma belle soirée 12
Dans les plis de mon cœur, le souvenir heureux ! 12
II
Dans le bourg Sainte-Foye, auprès de la barrière 12
230 S'élevait un logis entouré de bouleaux ; 12
Sur ses murs crevassés le houblon et le lierre, 12
Ainsi que des serpents déroulaient leurs anneaux. 12
C'était un beau soir d'août. Dans un ciel sans nuages, 12
L'astre du jour lançait sa dernière lueur, 12
235 Et les oiseaux mêlaient leurs gracieux ramages 12
A la voix du Zéphyr volant de fleur en fleur. 12
L'air était tout rempli de senteurs odorantes 12
Que le foin, en séchant, exhalait en foison ; 12
Et la gentille abeille, aux ailes transparentes 12
240 Buvait avec ivresse aux perles du gazon. 12
Non loin de la demeure, à l’ombre du feuillage, 12
Trois personnes causaient, assises sur un banc ; 12
La fine humeur gauloise animait leur langage 12
Et l'écho répétait parfois leur rire franc. 12
245 Cependant la plus belle, une blonde fillette, 12
Interrompit soudain son rire harmonieux 12
Pour aller recevoir, à la bonne franquette, 12
Deux nouveaux arrivants, l'un jeune et l'autre vieux. 12
‒ « Salut à vous, salut ! Mademoiselle Rose, 12
250 Lui dit en s'inclinant le plus âgé des deux ; 12
Votre teint à toujours l'incarnat de la rose 12
Et mon ami de vous a droit d'être orgueilleux. » 12
Pierre à son tour reprit :
‒ « J'approuve le notaire
Qui sait dire à propos toute la vérité ; 12
255 Mieux que lui je connais votre doux caractère, 12
Et j'admire avec lui votre rare beauté. » 12
‒ « De grâce, c'est assez ! assez ! répliqua-t-elle, 12
Je ne mérite pas tous ces beaux compliments ; 12
Spirituels moqueurs, venez sous la tonnelle 12
260 Où nous retrouverons mes excellents parents. » 12
Ils furent accueillis d'une façon charmante 12
Par Benoit et sa femme. Et Pierre, ce soir-là, 12
Vint s'asseoir sans trembler auprès de son amante, 12
Qui portait à ravir la robe de gala. 12
265 Pourquoi tant de gaîté sur toutes ces figures ? 12
Et pourquoi le notaire était-il chez Benoit ? 12
C'est que, par un contrat, deux jeunes créatures, 12
Allaient en ce beau soir, s'unir devant la loi. 12
Pierre, depuis trois mois, sur l'océan du Tendre 12
270 Confiait son esquif au doux vent de l'espoir ; 12
Car Rose quelquefois osait lui faire entendre 12
Ces cinq mots consolants :
« Ainsi j'aime à te voir ! »
Or, un jour de juillet ‒ il m'en souvient encore ‒ 12
Pierre chez son amante arrivait tout rêveur. 12
275 « Je viens, avait-il dit, ô fille que j'adore, 12
T'offrir en ce moment et ma vie et mon cœur. 12
Je veux me marier : la raison me l'ordonne ; 12
Et n'est-ce pas d'ailleurs le devoir d'un chrétien ? 12
A tous les bons époux le Maître du ciel donne 12
280 Au foyer l'harmonie et le pain quotidien. 12
Ne me repousse pas, idole de ma vie, 12
Toi qui portes au front la suave candeur ! 12
Au banquet de l'hymen le Seigneur nous convie : 12
O Rose, accepte donc avec moi cet honneur… » 12
Rose avait reparti :
285 « J'admire ta franchise
Et les fiers sentiments que tu viens d'exprimer ; 12
Mais, sans voir mes parents auxquels je suis soumise 12
Je ne puis te répondre : ils pourraient me blâmer. » 12
Cette soumission et ce hardi langage 12
290 Jetèrent notre ami dans le ravissement. 12
« Tu parles bien, dit-il ; je n'ai pas le courage 12
« De répliquer un mot à ton raisonnement. » 12
Pierre, le lendemain, rayonnant d'espérance 12
Et frais comme une fleur, arrivait chez Benoit. 12
Le bonhomme lui dit :
295 ‒ « Écoutez ma sentence :
Vous voulez épouser ma fillette ?… eh bien, soit ! 12
Dans les premiers jours d'août, amenez M.Monsieur Fabre, 12
Ce notaire galant que nous estimons tous ; 12
Il manie encor mieux la plume que le sabre, 12
300 Quoiqu'il porte cette arme avec un soin jaloux. 12
Puis, le contrat passé, nous fixerons la date 12
De votre mariage. Au pied des saints autels, 12
Le prêtre célébrant (oh ! ce dessein me flatte !) 12
Sera mon vieux cousin, Messire Désautels. 12
305 Nous ferons, n'est-ce pas ? une noce tranquille, 12
Nos aïeux s'amusaient de cette façon-là ; 12
N'allons pas imiter les « noceurs » de la ville, 12
Je n'ai jamais aimé leur bruit ni leur éclat. » 12
Pierre, tout ému, dit :
« Mon cher futur beau-père,
310 Votre sentence est douce, et j'en suis bien heureux. 12
Je suivrai vos conseils et saurai, je l'espère, 12
Éviter des « noceurs » les écarts dangereux. » 12
Maintenant le lecteur sait pourquoi le notaire 12
Chez le père Benoit accompagnait Francœur, 12
315 L'habile homme de loi montra son savoir-faire 12
En dressant le contrat sans commettre une erreur. 12
Au moment solennel où l'épouse future 12
Prenait la plume d'or pour signer le contrat, 12
Le notaire, vers elle inclinant sa figure, 12
320 Mit un léger baiser sur son front incarnat. 12
« Vous êtes fin voleur, dit en souriant Rose ; 12
Je ne vous donne point de petit baiser-là ! 12
Quoi ! reprit le notaire, il faudra, je suppose, 12
Pour être pardonné, vous remettre cela ? 12
325 Comment, vous oseriez ?… non, non, riposta-t-elle, 12
Je préfère excuser plutôt votre larcin ; 12
Vous avez de l'esprit, oh ! oui, plein la cervelle, 12
Mais je n'approuve pas votre hardi dessein !… » 12
‒ C'est bien, faisons l'accord, ma bonne demoiselle, 12
330 Et, comme la musique est l'accord le meilleur, 12
Veuillez donc nous chanter la romance nouvelle 12
Que vient de publier l'artiste Lavigueur. » 12
Quand l'acte fut signé, les chansons et le rire 12
Retentirent longtemps dans ce logis heureux ; 12
335 Les deux futurs époux ‒ illusoire délire ‒ 12
Crurent que leur bonheur valait celui des cieux !… 12
Par un soleil brillant, un superbe carrosse, 12
Traîné par deux chevaux, arrêta chez Benoit. 12
Pierre, charmant à voir sous son habit de noce, 12
340 Sauta de la voiture, aussi fier que le roi ! 12
Mais quand il aperçut Rose en toilette blanche 12
Et le front couronné des fleurs de l'oranger, 12
Il ne put retenir cette parole franche : 12
« Le Créateur en toi ne peut rien corriger ! 12
345 Accepte ces bouquets, cadeau du jeune prêtre, 12
L'aimable et généreux curé de Charlesbourg ; 12
Il doit, au saint autel, implorer le grand Maître 12
Pour qu'il daigne bénir notre sincère amour. » 12
‒ « Oui, j'accepte ces fleurs, merci du fond de l'âme ! 12
350 Veuille assurer l'abbé de mon profond respect ; 12
Puisse de sa vertu la douce et sainte flamme 12
Produire sur nous deux son salutaire effet… » 12
Après s'être adressé les compliments d'usage, 12
Jacque Benoit, Jean Fabre5 et les futurs époux 12
355 Prirent place, joyeux, dans le bel équipage 12
Pour se rendre à l'église et se mettre aux genoux 12
de l'abbé Désautels.
L'église Sainte-Foye
Brillait de mille feux, de fleurs et d'ornements. 12
La foule était nombreuse ; une céleste joie 12
360 Répandait sur les fronts de vifs rayonnements. 12
Car le peuple aimait Rose et savait bien que Pierre 12
Avait le cœur honnête et le bras vigoureux ; 12
Et, de là, concluait qu'une belle carrière, 12
Après leur mariage, allait s'ouvrir pour eux. 12
365 Peindre l'émotion et la joie indicible 12
Qui firent tressaillir ce couple vertueux 12
Au moment d'être uni, n'est pas chose possible : 12
Ils avaient du bonheur plein l'âme et plein les yeux. 12
O jour de mariage 6
370 Incomparable page 6
Du livre des mortels ; 6
Époque de la vie 6
Où se fait l'harmonie 6
Des cœurs près des autels. 6
375 Ineffable mystère : 6
Un ange de la terre 6
A l'homme vient s'unir ; 6
Et ces deux créatures, 6
Aux riantes figures, 6
380 Ont foi dans l'avenir ; 6
Car devant la Madone 6
Un apôtre leur donne 6
Sa bénédiction ; 6
Et, selon sa promesse, 6
385 Le roi des cieux s'empresse 6
De sceller l'union. 6
Or, avec cette force, 6
(Primant celle du Corse 6
Le grand Napoléon) 6
390 Ces époux seront braves 6
Et riront des entraves 6
Que dresse le démon ! 6
O divin mariage, 6
Toi le fidèle gage 6
395 Du bonheur des époux, 6
Puissent l'homme et la femme 6
Imprimer en leur âme 6
Ton souvenir si doux ! 6
Quatre ans avaient passé depuis le mariage 12
400 De Rose et de Francœur. Nos héros habitaient 12
Dans le faubourg Saint-Roch, sur le bord du rivage, 12
Une belle demeure où les amis fêtaient. 12
Ils ne désiraient rien, la sainte Providence 12
Leur ayant départi joie et prospérité ; 12
405 Aussi conservaient-ils de la reconnaissance 12
Pour le Dieu qui soutient la pauvre humanité. 12
Deux jolis jumeaux blonds, un garçon, une fille 12
Étaient venus au monde un soir de février ; 12
Et ces charmants amours ‒ bijoux de la famille ‒ 12
410 Égayaient de leurs cris cet aimable foyer. 12
Ils avaient vingt-deux mois, Pierre-Émile et Corinne. 12
(Ainsi les appelaient le père et la maman). 12
Vingt-deux mois ! c'est l'âge où la lèvre purpurine 12
De ces êtres chéris bredouille gentiment ! 12
415 Qu'il était beau de voir ces figures joyeuses, 12
Ces fronts où rayonnait la divine candeur, 12
Ces teints couleur de rose ‒ images gracieuses ‒ 12
Que n'avait pas ternis le vent de la douleur ! 12
Chaque soir, à genoux près de leur bonne mère, 12
420 Par sa bouche inspirée ils parlaient au bon Dieu ; 12
Et, semblable à l'encens, leur naïve prière. 12
Dans un nimbe brillant montait vers le ciel bleu ! 12
Ils ignoraient que l'homme a des songes moroses, 12
Que ses yeux quelquefois sont rougis par les pleurs ; 12
425 Ces anges ne voyaient que joie et rêves roses 12
Où l'homme trop souvent n'aperçoit que malheurs !… 12
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Lorsque Pierre sortait le soir de sa boutique, 12
Les membres fatigués par le rude labeur, 12
Les joyeux papillons du foyer domestique 12
430 Lui faisaient oublier et fatigue et douleur ; 12
Volant à sa rencontre, ils ouvraient sa figure 12
De sonores baisers en riant aux éclats ; 12
Il les faisait sauter, rouler sur la verdure 12
Et savourait longtemps leurs gracieux ébats ! 12
435 Rose cherchait sans cesse, en femme aimable et bonne, 12
A prévenir les goûts du maître de son cœur ; 12
Elle y réussissait, grâce à l'humble Madone, 12
Qu'elle implorait toujours avec grande ferveur, 12
De notre Canadienne elle était le vrai type : 12
440 Taille moyenne, œil doux et teint plein de fraîcheur ; 12
En morale, elle avait l'admirable principe 12
De garder à nos mœurs leur antique splendeur. 12
Son mari ! ses enfants !… ah ! qui pourrait redire 12
La tendresse et l'amour qu'elle éprouvait pour eux ? 12
445 Seuls les anges du ciel sur leur divine lyre 12
Auraient pu retracer ces sentiments pieux ! 12
Pierre et Rose étaient fiers de se sentir revivre 12
Dans les doux jumeaux blonds aux yeux intelligents ; 12
Nous leur enseignerons la route qu'il faut suivre 12
450 Pour accomplir le bien, disaient ces bons parents. 12
Mais ce rêve enchanteur, ces projets fort louables 12
Ne devaient pas avoir leur accomplissement, 12
Car Dieu, dont les décrets sont tous impénétrables, 12
Allait anéantir leur rêve en un moment. 12
455 Le trois septembre au soir, par un beau clair de lune, 12
Pierre, la rame en main, refoulait le courant. 12
L'air était embaumé, mais le sournois Neptune 12
Agitait quelquefois les flots du Saint-Laurent. 12
Rose et les chérubins se tenaient près de Pierre, 12
460 Assis en cercle, au fond de l'embarcation, 12
Et contemplaient ravis, l'éclatante lumière 12
Que l'astre répandait sur la création. 12
‒ « Voyez-donc, chers parents, comme la lune est belle, 12
S'écria Pierre-Émile, en croquant un gâteau. » 12
Rose reprit :
465 ‒ « Pourtant, ce n'est qu'une étincelle
Qui s'échappe la nuit du céleste Flambeau ! 12
Mais si vous restez bons, pieux et charitables, 12
Si vous savez porter des malheurs le fardeau, 12
Un jour vous quitterez tous nos biens périssables 12
470 Pour aller contempler cet astre encor plus beau ! » 12
Pierre, depuis longtemps observait le silence ; 12
Un noir pressentiment faisait battre son cœur ; 12
Il avait beau lutter, se faire violence, 12
Il restait au pouvoir de l'occulte oppresseur. 12
475 Aussi redoutait-il ces bourrasques fréquentes 12
Qui sont le cauchemar du courageux marin, 12
Car le vent soulevait des vagues écumantes, 12
L'air devenait plus lourd, et le ciel moins serein. 12
Tout à coup un éclair, un éclair grandiose, 12
480 Décrivit dans l'espace un long serpent de feu, 12
Et l'orage éclata. Les deux enfants et Rose, 12
Affolés de terreur, tremblaient en priant Dieu. 12
Pierre les rassurait en montrant le rivage 12
Qu'il s'efforçait d'atteindre avec son vieux canot ; 12
485 Le vent le repoussait. Sous un épais nuage 12
La lampe de la nuit se déroba bientôt ! 12
Les malheureux étaient plongés dans les ténèbres 12
Et ballottés ainsi qu'un fragile roseau. 12
Le tonnerre aux échos jeta des sons funèbres, 12
490 Et la vague lança les promeneurs à l'eau… 12
Mais Pierre, redoublant aussitôt de courage, 12
Saisit d'une main Rose et de l'autre un enfant ; 12
Et, vif comme un poisson, il revint à la nage 12
Sur les flots tourmentés sans cesse par le vent. 12
495 Eh ! que pourrait-il faire ainsi sans assistance, 12
N'ayant plus de canot ni la moindre clarté ? 12
Mourir… hélas ! oui, car une bonne distance 12
Le séparait encor de sa chère cité !… 12
Quoi ! mourir à cet âge où la vie est si belle, 12
500 Où tout sous le soleil nous parle joie, amours… 12
Mourir ! lorsqu'on possède une épouse modèle 12
Dont l'esprit, les vertus embellissent nos jours… 12
Ce lugubre penser hanta l'esprit de Pierre, 12
Mais il le repoussa de suite avec dédain ; 12
505 Puis, bravant derechef du fleuve l'onde amère, 12
Il se mit à jouer du pied et de la main. 12
Le nageur quelquefois disparaissait dans l'onde, 12
Entraîné par sa femme et l'un de ses enfants ; 12
N'importe, il n'aurait pas ‒ pour les trésors du monde ‒ 12
510 Voulu laisser périr ces deux êtres charmants ! 12
Mais ses forces d'Hercule à la fin s'épuisèrent ; 12
Le Saint-Laurent allait se referment sur eux, 12
Quand six robustes bras prestement les tirèrent 12
De ce gouffre, ou plutôt de ce tombeau honteux ! 12
515 Les sauveurs étaient trois bateliers de Saint-Pierre, 12
En route pour Québec avec un lot de bois. 12
Ils avaient aperçu sur le fleuve en colère, 12
Cet homme que la vague enveloppait parfois. 12
Ils firent à la hâte un lit de fraîche paille, 12
520 Au fond de leur bateau, pour les trois malheureux. 12
Mais, ô fatalité ! le sort, de sa tenaille, 12
Voulait broyer le cœur du père courageux. 12
Car, spectacle navrant ! c'était deux corps livides, 12
Deux cadavres que Pierre avait ravis aux flots ! 12
525 Ils étaient là, gisant sur les grabats humides, 12
Le visage éclairé par le feu des falots… 12
Pierre était atterré. Des larmes abondantes 12
Inondaient sa figure aux traits mâles et beaux ; 12
Debout, pâle, muet, il ressemblait aux plantes 12
530 Qui vivent sans chaleur à l'ombre des tombeaux ! 12
Il avait tout perdu dans l'espace d'une heure ; 12
Son adorable femme et ses fiers rejetons ; 12
Il ne lui restait plus que sa sombre demeure 12
Où les sanglots allaient remplacer les chansons ! 12
535 Les bateliers, émus, regardaient en silence 12
L'éloquente douleur de notre infortuné, 12
Et suppliaient tout bas la sainte Providence 12
De consoler ce brave au chagrin destiné. 12
Mais Pierre, tout à coup, vaincu par la souffrance, 12
540 ‒ Ce mal dont les humains doivent subir la loi ‒ 12
Roula sur le carreau, privé de connaissance, 12
En s'écriant :
« Seigneur, ayez pitié de moi ! »
Trois semaines après cette scène terrible, 12
Que la plume ne peut fidèlement tracer, 12
545 Pierre quittait le lit. Il était impossible, 12
Pour qui l'avait connu, de le voir sans pleurer, 12
Ce n'était plus cet homme à la forte encolure, 12
Au visage serein, aux bras si vigoureux ! 12
Du vieillard il avait déjà toute l'allure, 12
550 La tristesse trônait sur son front anguleux. 12
Il ne ressentait plus de douleurs corporelles ; 12
Son estomac pouvait recevoir tous les mets, 12
Mais l'âme, hélas ! portait des blessures cruelles 12
Que les princes de l'art ne guérissent jamais… 12
555 C'est en vain qu'il cherchait souvent à se distraire 12
En lisant les journaux ou quelques bons romans ; 12
L'inexorable sort semblait toujours se plaire 12
A lui rendre odieux ces doux amusements. 12
Alors il s'écriait, la voix pleine de larmes : 12
560 « Accordez-moi, mon Dieu, la résignation, 12
Ou faites-moi goûter las douceurs de vos charmes 12
En daignant m'appeler dans la sainte Sion ! » 12
Enfin Dieu lui donna la force et le courage 12
De porter des revers le pénible fardeau. 12
565 A la forge bientôt il conduisait l'ouvrage 12
Pendant que trois gaillards manœuvraient le marteau. 12
Un illustre défunt qui vit dans la mémoire 12
Des hommes d'aujourd'hui, le bon curé Charest, 12
Venait parfois le voir pour lui parler d'histoire 12
570 Et surtout des héros que Francœur admirait. 12
Le malade écoutait les récits du vieux prêtre, 12
Récits qui l'enflammaient au suprême degré ; 12
Au seul nom de la France, il sentait tout son être 12
Tressaillir. Ah ! ce nom était pour lui sacré. 12
575 Aussi, c'est qu'il l'aimait ce beau pays de France, 12
‒ Soleil que les prussiens ne pourront obscurcir ! ‒ 12
C'est là que ses aïeux prirent jadis naissance, 12
Et c'est là qu'il aurait voulu vivre et mourir ! 12
Or, depuis que la mort de sa faux redoutable 12
580 Avait moissonné Rose et ses deux chers enfants, 12
Il ne nourrissait plus qu'un désir admirable : 12
Combattre en Canadien contre les allemands ! 12
Il lui fallait partir, car l'eau de notre fleuve 12
Rappelait à son âme un spectacle navrant : 12
585 Toujours il croyait voir ‒ insupportable épreuve ‒ 12
Les défunts entraînés par l'horrible courant… 12
Mais un autre motif plus grand que la souffrance 12
L'engageait à partir pour le sol étranger ; 12
Il se disait souvent :
« Quand on aime la France,
590 On doit la secourir à l'heure du danger ! » 12
III
L'été de mil huit cent soixante et dix achève ; 12
L'oiseau commence à fuir vers des climats plus doux ; 12
Le soleil, triste et pâle, à l'horizon se lève ; 12
La ramure secoue au vent ses cheveux roux. 12
595 C'est le dimanche au soir. Une foule innombrable 12
Envahit le forum (place Jacques-Cartier) ; 12
On dirait, à la voir, qu'un malheur effroyable 12
Menace les mortels de l'univers entier. 12
Que s'est-il donc passé de si grand sous les astres 12
600 Pour que sur tous ces fronts éclate le chagrin ? 12
Ah ! la France se meurt ! déjà quatre désastres : 12
Weissembourg, Reischofen, Forbach et Spickerin ! 12
Eh ! oui, voilà pourquoi l'on pleure et l'on murmure 12
Dans la ville où grandit l'héroïque valeur ; 12
605 Quand la France reçoit au cœur une blessure, 12
Les habitants d'ici tressaillent de douleur ! 12
« Je vole à son secours, s'écrie un patriote, 12
Et vais au consulat offrir mes faibles mains. 12
Et si je dois tomber sous le fer du despote, 12
610 Je mourrai, sans regret comme les vieux Romains ! » 12
Il part, la tête haute et l'œil plein de lumière, 12
Et va chez le consul, qui l'accueille fort bien. 12
« J'appartiens, Excellence, à la classe ouvrière, 12
Dit-il, et j'ai l'honneur d'être né Canadien. 12
615 Or, j'apprends que la France où naquirent nos pères, 12
‒ Belle France que j'aime autant que mon pays ! ‒ 12
Est soumise à cette heure aux troupes meurtrières 12
Que commandent Von Molke et ses cruels amis ! 12
Eh bien, mille tambours ! je vends maison, boutique, 12
620 Pour aller me ranger sous son noble drapeau ; 12
Oui, si j'obtiens de vous une pièce authentique, 12
Je troquerai l'outil contre le chassepot ! » 12
‒ « Quel est donc votre nom, homme plein de courage ? 12
‒ Pierre Francœur, obscur artisan, de Saint-Roch. 12
625 ‒ Quoi ! c'est à vous qu'un soir le fleuve, dans sa rage, 12
Ravissait et l'épouse et les enfants en bloc ?… 12
‒ « Hélas ! oui, c'est à moi que le fleuve en colère, ‒ 12
Ce fleuve au bord duquel j'aimais à respirer ‒ , 12
A ravi les trois cœur, les plus purs de la terre… 12
630 Et depuis cet instant je ne fais que pleurer… 12
‒ O le deuil éprouvé des époux et des pères ! 12
Je comprends vos malheurs et sais y compatir ; 12
Vous êtes un héros tel que l'on n'en voit guères, 12
Et la France de vous n'aura pas à rougir. 12
635 Prenez ce sauf-conduit cacheté de mes armes, 12
Puis rendez vous auprès du gouverneur Trochu ; 12
Devant ce pli les Francs abaisseront leurs armes, 12
Et par eux vous serez, au besoin, secouru. » 12
« ‒ Pour vos bontés, merci mille fois, Excellence ! 12
640 Je serai, je l'espère, un valeureux soldat, 12
Car je sens dans mon cœur refleurir la vaillance 12
Que Montcalm a légué aux fils du Canada ! » 12
Le lendemain au soir, à genoux sur la terre 12
Où dormaient pour toujours Rose et les deux jumeaux, 12
645 Pierre parlait tout bas dans ce lieu solitaire, 12
Mais l'indiscret zéphyr nous apporta ces mots : 12
Adieu, tombe chérie, 6
Sombre et muet séjour 6
Où tous, après la vie 6
650 Nous dormirons un jour ! 6
Demeure des trois anges 6
Que follement j'aimais 6
Et que les viles fanges 6
Ne salirent jamais ! 6
655 Adieu, charmante femme, 6
Adieu, fruits de son flanc : 6
A vous, j'offre mon âme, 6
A la France, mon sang ! 6
Demain, avant l'aurore, 6
660 Je quitterai ces lieux ; 6
‒ Vous reverrai-je encore ? 6
Oui, plus tard, dans les cieux ! 6
Mais, vive inquiétude, 6
Qui me remplacera ? 6
665 En cette solitude 6
Qui vous visitera ? 6
Hélas ! sur votre tombe 6
Que j'arrose de pleurs, 6
Nul ne viendra quand tombe 6
670 Le jour, mettre des fleurs ! 6
Ni faire la prière, 6
Cette aumône du cœur, 6
Que le céleste Père 6
Accueille avec bonheur. 6
675 Non, car l'homme se livre 6
Ici-bas aux plaisirs, 6
Et n'aspire qu'à vivre 6
Pour combler ses désirs ! 6
Eh bien, puisque le monde 6
680 Ne songe qu'à jouir, 6
Moi, sur la terre et l'onde 6
Pour vous je veux souffrir ! 6
Donc, adieu, tendre femme, 6
Adieu, fruits de son flanc ! 6
685 A vous, j'offre mon âme, 6
A la France, mon sang ! » 6
Laissons dormir en paix dans leur sombre retraite 12
Ces trois infortunés, et rejoignons Francœur, 12
Qui, près de Châtillon, à la lutte s'apprête 12
690 Sous le commandement d'un général de cœur. 12
Il a pu parvenir jusque là sans entrave, 12
Grâce à l'aimable pli du consul québecquois ; 12
Du reste, en le voyant, on devinait un brave 12
Dans les veines duquel coulait le sang gaulois ! 12
695 La France tous les jours éprouve les défaites ; 12
Nos vaillants soldats sont par le nombre écrasés ; 12
Et déjà les Prussiens se préparent des fêtes 12
Dans les riches hameaux qu'ils ont germanisés. 12
Ils ne respectent rien, ces conquérants d'une heure ! 12
700 Ils insultent l'enfant, la femme, le vieillard, 12
Détruisent la moisson et brûlent la demeure 12
Où vit paisiblement l'honnête montagnard. 12
Ivres d'or et de sang, ils attaquent les villes 12
Qu'ils pillent aussitôt et plongent dans le deuil ; 12
705 Puis, l'esprit ébranlé par leurs succès faciles, 12
Ils lancent sur Paris un envieux coup d'œil ! 12
Halte-là ! car Paris, le vrai cœur de la France, 12
Le royaume des arts, l'imprenable cité, 12
Secoue avec éclat sa folle insouciance 12
710 Et veut garder encor son immortalité ! 12
Jules Favre aux Prussiens demande un armistice, 12
Afin d'examiner leurs nombreux armements : 12
Mais de Bismark répond :
« Je ne puis, en justice,
L'accorder… Agréez mes meilleurs sentiments ! » 12
715 Cette froide réponse allume la colère 12
et l'indignation dans l'âme des Français. 12
« C'est bien, disent plusieurs, _fertilisons la terre, 12
Les cadavres prussiens nous serviront d'engrais !_ 12
Tout Paris se prépare à combattre les reîtres, 12
720 Les jeunes et les vieux marchent sous les drapeaux ; 12
On jure de tuer, sans pitié, tous les traîtres 12
Et de livrer leur chair en pâture aux corbeaux ! 12
Les fusils, les canons, les boulets et la poudre 12
Sont vite fabriqués et remis aux soldats ; 12
725 Et, quand sonnera l'heure, aussi prompts que la foudre, 12
Ces terribles engins feront mille dégâts… 12
C'est le vingt-deux septembre. Escorté de ses troupes 12
Le général Ducrot traverse Châtillon ; 12
Les habitants du lieu, qui se tiennent par groupes 12
730 Agitent devant lui maint et maint pavillon. 12
Ducrot s'incline et dit :
« Priez pour nous, mes frères,
Afin que du combat nous sortions triomphants ; 12
Demain nous camperons près des hautes Bruyères 12
Où les Prussiens encor se montrent turbulents. » 12
735 Et quittant à regret ce peuple qu'il estime, 12
Esclave du devoir, il poursuit son chemin ; 12
Il n'a plus qu'un désir ‒ désir vraiment sublime ‒ 12
Lutter, et, s'il le faut, mourir le lendemain ! 12
De bonne heure, Ducrot le lendemain arrive 12
740 A l'endroit redoutable avec ses bataillons. 12
« Tenez-vous, leur dit-il, tous sur la défensive, 12
Car l'ennemi déjà doit charger ses canons. 12
A peine a-t-il parlé, qu'une balle prussienne 12
Laboure jusqu'à l'os le flanc de son cheval ! 12
745 La bête de douleur rugit comme l'hyène 12
Qui se trouve placée en face d'un rival. 12
Les ennemis alors sortent de leur cachette 12
En lançant des obus à travers les bosquets ; 12
Mais Ducrot, sans frayeur, à ses soldats répète : 12
750 Laissez-les dépenser leur force et leurs boulets ! 12
Cependant les Prussiens ‒ que ce silence intrigue ‒ 12
Osent se découvrir aux regards des Français. 12
Ducrot les voit venir, et, fier de son intrigue, 12
Jubile en présentant un glorieux succès ! 12
755 « A l'œuvre ! ordonne-t-il ; déplantez-moi ces rustres. 12
Que l'orgueil a rendu méchants, audacieux ! 12
La France attend de vous les faits les plus illustres, 12
Allons donc, en avant ! ô soldats valeureux ! » 12
Aussitôt des milliers de boulets et de balles 12
760 Tombent comme un orage au milieu des Prussiens. 12
Et l'air redit alors des clameurs infernales 12
Qui ressemblent aux cris d'une meute de chiens ! 12
Çà et là des blessés étendus en grand nombre 12
Exhalent leurs douleurs et maudissent le sort, 12
765 Puis d'autres effrayés par ce spectacle sombre, 12
Sous les bois vont se mettre à l'abri de la mort. 12
Les chevaux, l'œil en feu, les naseau pleins d'écume, 12
Affolés de terreur, s'élancent au galop, 12
Mutilant de leurs fers le cadavre qui fume 12
770 Sur le sol détrempé par le sang et par l'eau ! 12
C'est un sauve-qui-peut : le général lui-même, 12
Espèce de colosse au cœur ambitieux, 12
Est obligé de fuir ; et, dans sa rage extrême, 12
Maudit, en se sauvant, les Français et les dieux… 12
775 Maintenant, grâce au ciel, sur les Hautes-Bruyères, 12
Le vieux drapeau français déroule au vent ses plis ; 12
Il semble défier les hordes meurtrières 12
Qui nourrissent l'espoir de bombarder Paris. 12
Neuf jours ont fui. Ducrot à cheval se promène 12
780 En rêvant au plaisir de revoir l'ennemi, 12
Car il l'attend. Depuis bientôt une semaine 12
Ce général fameux n'a presque point dormi. 12
Au détour d'une route, à travers le feuillage, 12
Il croit voir onduler dans le lointain brumeux 12
785 Une mer de soldats : tel on voit un rivage 12
Mollement s'avancer les flots silencieux. 12
Tiens ! ce sont les enfants de la blonde Allemagne, 12
Se dit le promeneur, en mettant son lorgnon ; 12
Nous leur ferons danser, ici, dans la montagne, 12
790 Un joli moulinet aux accords du canon… 12
Ils aiment ce jeu-là, si j'en crois ma mémoire, 12
Eh bien, ces beaux danseurs ne seront pas déçus ! 12
Mais ! ils sont très nombreux : la plaine en est tout noire ! 12
Bah ! qu'importe leur nombre, ils seront bien reçus ! 12
795 Sur ce, le général pique au flanc sa monture 12
Et s'élance au galop vers le champ des soldats. 12
« ‒ Aux armes ! leur dit-il, de sa voix mâle et pure, 12
Les Allemands sur nous s'avancent à grands pas ! 12
Leur nombre est légion ; mais vous êtes des braves 12
800 Que ne comptez jamais le nombre des rivaux ; 12
Si vous ne voulez pas devenir leurs esclaves, 12
Ni même leur livrer vos glorieux drapeaux, 12
Alors, repoussez-les ! N'ayez aucune crainte, 12
Soldats, d'être vaincus ; non luttez vaillamment, 12
805 Sous le regard de Dieu, car votre cause est sainte 12
Et Dieu vous aidera jusqu'au dernier moment ! » 12
Tous les soldats en chœur à cet appel répondent : 12
‒ Nous vous suivrons partout, ô noble général ! 12
‒ Ah ! merci, fait Ducrot ; vos cris puissants inondent 12
810 Mon âme d'allégresse… Attendez le signal ! 12
L'heure succède à l'heure et l'ombre à la lumière ; 12
La nuit sur la nature étend son voile noir. 12
La lune, au bord du ciel, montrant sa tête altière, 12
Scintille tout à coup comme un bel ostensoir. 12
815 Tout est silencieux. Ducrot et son armée 12
Attendent, l'arme aux bras, le terrible moment 12
Où la tourbe prussienne ‒ ivre de renommée ‒ 12
Viendra le attaquer dans leur retranchement. 12
Mais le temps passe, et rien ne trouble le silence, 12
820 Si ce n'est quelquefois les murmures du vent. 12
Enfin l'aube paraît et l'horizon immense 12
Reflète les clartés d'un beau soleil levant. 12
Les belliqueux Français sont ennuyés d'attendre ; 12
Ils ne redoutent pas leurs ennemis, oh ! non ! 12
825 Car leur unique vœu, maintenant, est d'entendre 12
La voix de la trompette et celle du canon. 12
Néanmoins, imitant du général l'exemple, 12
Ils offrent au Seigneur les prémices du jour, 12
Et ce champ de combat se convertit en temple 12
830 D'où montent vers le ciel des prières d'amour. 12
Puis, ce devoir rempli, les cuisiniers préparent, 12
Avec habileté, le modeste repas. 12
La marmite est au feu. Tous les soldats s'emparent 12
De leurs brillants couteaux pour trancher le lard gras. 12
835 Bref, le tout est servi. La cloche carillonne 12
Invitant la milice à manger sans façon. 12
Le vin ne manque pas. La bonne humeur rayonne 12
Sur les fronts, et le cœurs vibrent à l'unisson. 12
Mais, dominant les ris, les tirades joyeuses, 12
840 La voix du général fait entendre ces mots : 12
« Aux armes ! j'aperçois les cohortes nombreuses ; 12
Vainquons ! car la défaite est le plus grand des maux ! » 12
Les soldats, oubliant le vin et la gamelle 12
Obéissent de suite à l'ordre de Ducrot, 12
845 Qui suit leurs mouvements de sa vive prunelle 12
En allant et venant sur son coursier au trot. 12
Les Prussiens, l'air railleur, vers les Français s'avancent, 12
Mais ceux-ci sont déjà prêts à les recevoir, 12
Les soldats de Ducrot à leurs ennemis lancent 12
850 Un regard dont l'éclair paraît les émouvoir. 12
Ducrot ordonne alors de commencer la lutte. 12
Par un feu bien nourri. Le feu gronde aussitôt ; 12
Et, spectacle effrayant, des deux côtés on lutte 12
Avec un héroïsme où la colère éclot. 12
855 Allemands et Français combattent face à face 12
Et semblent décidés à vaincre ou bien mourir, 12
Car lorsqu'un soldat tombe, un autre le remplace, 12
Convaincu qu'à son tour la mort va le saisir ! 12
La mort, sans préférence, enlève aux deux armées 12
860 Des hommes de valeur, que dis-je ? des héros ! 12
Elle n'a pas d'égard pour leurs jeunes années, 12
Non ! comme les blés mûrs ils tombent sous sa faux ! 12
O mort, cruelle mort ! pour assouvir ta haine, 12
Tu fais couler à flot le sang de tous ces preux ; 12
865 Tu plonges à la fois dans le deuil et la peine 12
Des mères au cœur d'or et des enfants heureux ! 12
Ils n'ont plus de soutien, ils n'ont plus d'espérance ! 12
Ah ! qui donc désormais leur donnera du pain ? 12
Qui les consolera quand l'amère souffrance 12
870 Posera sur leur front sa redoutable main ?… 12
Mais la mort ne dort pas, au contraire elle veille 12
Et moissonne à son gré les faibles et les forts : 12
On a beau la prier, elle n'a point d'oreille 12
Pour écouter nos voix, nos douloureux accords… 12
875 Elle épargne à présent les soldats de la Prusse 12
Et frappe les Français qui luttent vainement ; 12
Ceux-ci vont succomber, quand Ducrot, plein d'astuce, 12
Sous le dôme d'un bois les place adroitement. 12
Le pauvre général a la douleur dans l'âme : 12
880 Six cents vingt-deux des siens sont au nombre des morts ! 12
Que faire ? va-t-il fuir ? Non ! ce serait infâme, 12
Et partout le suivrait la honte et le remords… 12
Mais il devra lutter, hélas ! sans espoir même, 12
Car les Prussiens à peine ont perdu cent soldats. 12
885 « N'importe ! je mourrai pour la France que j'aime, 12
Dit-il : un Français meurt, mais il ne se rend pas… » 12
Il crie à ses héros : « Quittons notre retraite 12
Et derechef allons au poste de l'honneur : 12
Impossible pour nous d'éviter la défaite ; 12
890 Prouvons donc aux Prussiens que nous avons du cœur ! » 12
La résignation brille sur la figure 12
De ces braves soldats luttant vingt contre cent ; 12
Mais personne ne jette une plainte, un murmure, 12
Ils ont déjà juré de répandre leur sang ! 12
895 Le général alors à leur tête se place 12
En leur disant : « Soldats, imitons nos aïeux ; 12
Lorsque des ennemis s'emparaient d'une place, 12
Ils les en délogeaient, eh bien, faisons comme eux ! » 12
Sur ce, l'œil enflammé, le voilà qui s'élance, 12
900 Vers la vaste clairière où règnent les Teutons ; 12
Il y parvient bientôt trompant leur vigilance, 12
Et fait pleuvoir sur eux le fer de ses canons. 12
Les Allemands, surpris d'une attaque aussi rude, 12
Ne peuvent tout d'abord riposter à ce feu ; 12
905 Mais leur général parle, et sa ferme attitude 12
Leur donne du courage et les rassure un peu. 12
Puis un combat nouveau, gigantesque, commence ; 12
Ces puissants ennemis ne se ménagent pas. 12
On dirait, à les voir, qu'ils sont pris de démence, 12
910 Tant ils semblent contents s'affronter le trépas. 12
Balles, boulets, obus tombent comme la grêle ; 12
Une épaisse fumée aveugle les soldats ; 12
Aux plaintes des blessés, la trompette entremêle 12
Sa larmoyante voix, aussi triste qu'un glas. 12
915 Les Français luttent bien. Le bruit de la mitraille, 12
Loin de les effrayer, augmente leur ardeur ; 12
Ils veulent à tout prix gagner cette bataille 12
Que renferme pour eux le salut et l'honneur ! 12
Mais, qu'est-ce ? entendez-vous les hourras frénétiques 12
920 Qu'ils poussent vers le ciel en combattant toujours ? 12
Ils viennent de ravir aux sujets germaniques 12
Douze ou treize canons aux énormes contours ! 12
Alors les Allemands, le front chargé de rage, 12
Font mine d'avancer sous le feu des Français, 12
925 Mais en vain ! car ceux-ci redoublent de courage 12
Et leur font essuyer un nouvel insuccès ! 12
Ducrot observe tout. Il voit parmi ses braves 12
Un homme culbuter à lui seul maints Prussiens, 12
Leur infligeant à tous de ces blessures graves 12
930 Que ne peuvent guérir les savants chirurgiens ; 12
Car ceux qui sont tombés sous sa fatale étreinte 12
Sont là, sans mouvement, sur le terne gazon, 12
La poitrine brisée et la prunelle éteinte, 12
Mêlant leur dernier râle à la voix du canon ! 12
935 Mais ce chanceux tireur que l'héroïsme guide, 12
Pourra-t-il résister aux coups des ennemis ? 12
Regardez-le : de sang sa tunique est humide ; 12
N'importe ! il lutte encor, les membres tout meurtris ! 12
Puis, ô bonheur ! il voit que l'ennemi recule ; 12
940 Il avance à la course avec ses compagnons, 12
Poursuivant les fuyards les tuant sans scrupule, 12
Comme on écraserait du pied des moucherons !… 12
Tout à coup il terrasse un soldat héroïque 12
Qui vient de dérober aux Français un drapeau ; 12
945 Il arrache au voleur cette belle relique, 12
Plus pure à ses regards que le cristal de l'eau ! 12
Quel est donc ce héros à la fière encolure 12
Que Bellone a chargé des lauriers du vainqueur ? 12
Examinez les traits de sa noble figure, 12
950 Et vous reconnaîtrez le forgeron Francœur !… 12
Les malheurs ont blanchi ses beaux cheveux d'ébène 12
Et creusé sur son front un glorieux sillon ; 12
Blessé, mais non soumis, il est semblable au chêne 12
Qui résiste longtemps aux coups du bûcheron… 12
955 Il baise avec amour le drapeau de ses pères, 12
Après l'avoir pressé tendrement sur son cœur ; 12
Et, sans respect humain, récite des prières 12
Que sa famille, au ciel doit répéter en chœur ! 12
L'ardeur chez les Prussiens semble un instant renaître, 12
960 Car leur mitraille gronde encore avec éclat ; 12
Mais, d'un coup d'œil, il est aisé de reconnaître 12
Que c'est le désespoir qui les pousse au combat. 12
Ducrot veut balayer ces bandes étrangères 12
Qui croyaient par leur nombre effrayer les Français : 12
965 « Braves soldats ! chassez ces infâmes vipères 12
Pour qu'elles n'osent plus nous troubler désormais… » 12
Pierre alors se redresse et prend sa carabine, 12
De l'échec de la veille il veut venger l'affront. 12
Ciel ! soudain son bras tremble et sa tête s'incline : 12
970 Il vient de recevoir deux balles dans le front ! 12
Il tombe sur le sol, théâtre de sa gloire, 12
Ce modeste artisan que rien n'intimida, 12
En murmurant ces mots que je livre à l'Histoire : 12
Adieu, France chérie ! Adieu, beau Canada… 12
[M. Jean Fabre, le notaire dont j'ai parlé plus haut, servait de père à Pierre Francœur, qui avait perdu ses père et mère depuis plusieurs années.]
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