Métrique en Ligne
CAO_1/CAO14
Jean Baptiste CAOUETTE
LES VOIX INTIMES
1892
POÉSIES DIVERSES
OCTAVE CRÉMAZIE
Prions pour l'exilé, qui, loin de sa patrie,
Expira sans entendre une parole amie ;
Isolé dans sa vie, isolé dans sa mort,
Personne ne viendra donner une prière,
L'aumône d'une larme à la tombe étrangère !
Qui pense à l'inconnu qui sous la terre dort ?
OCTAVE CRÉMAZIE.
S'il est un nom qui rime avec la poésie, 12
C'est celui de l'illustre Octave Crémazie, 12
Le nom d'un barde bien-aimé ; 8
D'un barde qui creusa, comme le vieil Horace 12
5 Dans le champ du génie une profonde trace 12
Que suivent Fréchette et Lemay. 8
Bien des fois, secouant sa sombre rêverie, 12
Il chanta sur son luth l'amour de la patrie 12
Et les vertus de nos aïeux ; 8
10 Du prêtre canadien il chanta la science, 12
La foi, la charité le dévouement immense 12
Et les triomphes glorieux ! 8
En pleurant il chanta le drapeau de la France, 12
Ce riche talisman, témoin de la vaillance 12
15 De nos soldats à Carillon ; 8
A ce vieux drapeau blanc environné de gloire, 12
Rappelait à son cœur la plus belle victoire 12
Qu'eût remportée un bataillon ! 8
Il chanta les vallons tapissés de verdure 12
20 Que le ciel a jetés, ainsi qu'une bordure, 12
Sur les rives du Saint-Laurent ; 8
Il chanta les ruisseaux, les lacs et les rivières 12
Qui fécondent le sol, et les cimes altières 12
Où gronde et bondit le torrent. 8
25 Il chanta tour à tour le zéphyr, l'hirondelle, 12
Le site merveilleux de notre citadelle 12
Et nos modestes monuments. 8
La foi de nos martyrs inspirait ses mélanges 12
Qui semblaient aussi doux que les hymnes des anges 12
30 Envolés au souffle des vents ! 8
Mais un jour ‒ oubliant la sainte poésie ‒ 12
Il eut, dans un moment de gêne et de folie, 12
Une coupable illusion : 8
Comme l'arbre géant brisé par la tempête, 12
35 Le poète courba sa belle et noble tête 12
Sous la peine du talion… 8
Bien des ans ont passé depuis cette heure sombre ! 12
Crémazie, en voyant à son étoile une ombre, 12
A fui le lieu de ses malheurs… 8
40 Il a vécu longtemps sur la terre étrangère, 12
Abandonné de tous, en proie à la misère, 12
Vidant la coupe des douleurs ! 8
Aujourd'hui… mais silence !… Il sommeille sous terre 12
Dans un coin de la France, au fond d'un cimetière, 12
45 Où nul peut-être ne priera… 8
L'inexorable mort l'a couché dans la bière 12
En attendant qu'un jour revienne sa poussière 12
En ce pays qu'il illustra ! 8
Reçois avec tendresse, ô barde que j'admire, 12
50 Ces vers que je redis sur ma craintive lyre, 12
Et que l'amitié m'inspira ! 8
Puisse les Canadiens dresser à ta mémoire 12
Sur le roc de Québec un monument de gloire ! 12
Et l'Amérique applaudira ! 8
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