Métrique en Ligne
CAO_1/CAO1
Jean Baptiste CAOUETTE
LES VOIX INTIMES
1892
POÉSIES DIVERSES
LE BONHEUR
A MA FEMME
Où donc est le bonheur ? disais-je. ‒ Infortuné !
Le bonheur, ô mon Dieu, vous me l'avez donné.
VICTOR HUGO.
J'ai cherché vainement dans les bruyantes fêtes, 12
Où l'éclat des plaisirs éblouit tant de têtes, 12
Ce trésor précieux qu'on nomme le bonheur ; 12
Je l'ai cherché d'abord sur le sol que je foule 12
5 En voulant soulever les bravos de la foule, 12
Et je n'ai recueilli qu'un éphémère honneur ! 12
Pour le trouver, j'ai fait de pénibles voyages, 12
Franchi les flots amers, parcouru maints villages 12
Où la vive gaîté faisait battre les cœurs ; 12
10 Mais, ô fatalité ! la sombre nostalgie, 12
Ce désir violent de revoir la patrie, 12
Aggravait chaque jour le poids de mes malheurs ! 12
Après avoir vécu sur la plage étrangère, 12
Sans ressource et craignant la main de la misère, 12
15 Je revins au pays avec le fol espoir 12
De trouver le bonheur en l'amitié sincère 12
D'hommes que mainte fois j'avais aidés naguère. 12
Mais les cruels ingrats rougirent de me voir ! 12
Le bonheur !… pour l'avoir j'ai gravi le Parnasse 12
20 Sur la cime duquel les disciples d'Horace 12
Buvaient le doux nectar que leur versaient les dieux ; 12
J'allais toucher au but, quand mon lâche Pégase, 12
Prenant un ton railleur, me lança cette phrase : 12
« Halte-là ! car tu n'es qu'un intrus en ces lieux… » 12
25 Alors je m'écriai, dans ma douleur amère. 12
Où donc est le bonheur ? Serait-ce une chimère 12
Qui redonne l'espoir à tout être souffrant ? 12
Hélas ! je le croyais… Mais dès le jour, ô femme, 12
Où les sons de ta voix firent vibrer mon âme, 12
30 Je goûtai du bonheur le délice enivrant ! 12
Et depuis qu'à nos yeux ‒ aurore fortunée ‒ 12
S'alluma le divin flambeau de l'hyménée, 12
Le bonheur, tu le sais, nous souria toujours. 12
Il nous sourira même au sein de la souffrance, 12
35 Parce que nous plaçons toute notre espérance 12
Dans le Dieu qui bénit et féconde les jours ! 12
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