RELIQUIÆ |
POURQUOI PLEURER AINSI ? |
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Pourquoi pleurer ainsi, mon âme, et d’où te vient |
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Ce sombre désespoir, frère aîné de l’envie ? |
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— Pour quelques maux soufferts desquels il te souvient ; |
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Mais c’est le sort commun de la commune vie. |
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Combien d’autres encor ont souffert plus que toi. |
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Qui passent sans troubler le monde de leurs larmes |
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Et sans apitoyer la terre à leurs vacarmes ! |
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Ils acceptent le sort et subissent la loi. |
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Ces grands désespérés, plus muets que la tombe. |
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Ont pleuré tous les pleurs que renfermaient leurs yeux, |
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Et cependant leur front, lorsque leur cœur succombe. |
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Sous la pâleur des nuits a le calme des cieux. |
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Comme le Commandeur dans le Festin de pierre
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Ils portent au côté le coup dont ils sont morts. |
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Un œil fixe et sans feu roule dans leur paupière. |
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Douloureux trépassés, sont-ce bien là vos corps ? |
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Fortune, enfans, jeunesse, illusions, patrie. |
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L’un a tout vu sombrer dans un jour de terreur. |
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Celui-là n’aima rien sur la terre flétrie. |
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Et cet autre plus pâle a perdu son honneur. |
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L’honneur me reste, à moi ! Contente ton envie, |
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Fortune ! frappe à terre un ennemi vaincu ; |
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Tu parviendras peut-être à m’arracher la vie. |
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Je ne me plaindrai pas ! J’ai bien assez vécu. |
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J’ai bien assez vécu, si mon honneur me reste. |
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Si je demeure intact ayant fait mon devoir. |
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Si la fidélité que mon malheur atteste |
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Reluit jusqu’à la mort, pure comme un miroir, |
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Si je rends à mon Dieu l’âme qu’il m’a donnée |
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Sans qu’un penser mauvais en ait terni l’éclat. |
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Et si ma faction à la fin terminée, |
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Je garde mon épée ainsi qu’un bon soldat. |
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