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BUS_1/BUS43
Alfred BUSQUET
POÉSIES
1884
POÉSIES DOMESTIQUES
A MA CHÈRE FEMME
MARIE BUSQUET-PAGNERRE
Tu veux des vers, ma pauvre amie, 8
Compagne des jours malheureux ; 8
A ma triste Muse endormie 8
Tu fais un effort douloureux. 8
5 Pourquoi des vers, pourquoi des rimes, 8
Jeux d’esprit où le cœur n’a rien ? 8
Crois-tu que monté sur les cimes 8
Ce cœur vaudra mieux pour le tien ? 8
A tous les poèmes superbes. 8
10 Préfère un regard, un baiser ; 8
Le ruisseau qui court dans les herbes 8
Vaut bien, quoi qu’on puisse en penser. 8
Le torrent qui, de roche en roche, 8
S’élance avec un bruit vainqueur 8
15 Ou la haute mer qu’on approche 8
Avec un serrement de cœur. 8
Elle vaut mieux, la violette, 8
Pour le sein qui lui donne abri. 8
Que le fier cactus dont l’aigrette 8
20 S’élance du rocher fleuri. 8
Crois-moi, ne cherchons pas la gloire ; 8
La gloire est hostile au repos. 8
Cherchons l’amour et sa victoire. 8
Cueillons le bonheur à propos. 8
25 Lorsque la mort t’aura fauchée 8
Avec ou sans un grand renom. 8
Pour toi, la belle chevauchée 8
Que de partir avec un nom ! 8
Les grands héros, les grands poètes 8
30 Préoccupés de l’avenir. 8
Ont eu trop d’heures inquiètes 8
Pour aimer et se souvenir. 8
Je préfère à tous les lyriques 8
Tibulle, un paresseux Romain. 8
35 Pour moi, l’auteur des Bucoliques 8
Est le seul grand, le seul humain. 8
Non pas qu’il égalât Homère, 8
Divin poète au large essor. 8
Mais parce qu’il aima Néère, 8
40 Amaryllis, d’autres encor ; 8
Parce qu’il fut amant fidèle. 8
Le meilleur de tous les amis. 8
Que le bon Horace l’appelle 8
Optimus… sans nul compromis ! 8
45 Ainsi, résigne-toi, ma belle, 8
A vivre obscure, à n’être rien… 8
Trop heureuse si l’on t’appelle 8
La femme d’un homme de bien ; 8
Après la tâche accoutumée, 8
50 Si tu dis avec un soupir : 8
Je l’aimais et j’en fus aimée !… 8
C’est assez pour vivre et mourir. 8
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