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Alfred BUSQUET
POÉSIES
1884
POÉSIES DOMESTIQUES
LE NOUVEL AN
Lorsque autour de la même table, 8
Au premier jour du nouvel an, 8
Soumis à la coutume affable 8
De le célébrer en buvant. 8
5 Pour obéir à l'habitude, 8
Aux usages des bons aïeux 8
Dont vous vous faites une étude. 8
Vous vivans, tous aussi morts qu’eux, 8
Vous vous asseyez, tristes, sombres. 8
10 Pleins d’ennuis secrets et sans fin. 8
Gomme au dernier banquet des ombres 8
Buvant sans soif, mangeant sans faim. 8
Observant vos yeux et vos gestes. 8
Pesant le silence et vos mots. 8
15 Défendant aux soupirs funestes 8
De rien dévoiler de vos maux. 8
Méditant de combien de rides 8
Et de combien d’iniquités 8
Vous ont chargés les ans avides, 8
20 Vos douleurs et vos lâchetés, 8
Supputant aux lois de l’usure 8
De combien de francs et de sous 8
L’héritage qu’on dénature 8
A pu croître, s’il n’est dissous. 8
25 Et combien doit durer encore. 8
Avec ou sans trop d’embonpoint. 8
Cette existence qu’on déplore. 8
Mais qu’on berce avec tant de soin. 8
N’avez-vous pas, sur la fenêtre 8
30 Où le givre a mis ses cristaux. 8
Vu grandir, s’éteindre et renaître 8
La lueur d’un feu de fagots ! 8
Comme les verres de Bohême, 8
Cette lueur vive a percé 8
35 La transparence mate et blême 8
De votre cristal damassé : 8
Écoutez : le vent vous apporte 8
Des ris, des baisers, des chansons, 8
Des santés joyeuses qu’on porte 8
40 Aux vieillards comme aux nourrissons. 8
Ce sont des pauvres qui festoient 8
Le premier-né du nouvel an 8
Et, la tendresse au cœur, le noient 8
Dans un petit pot de vin blanc. 8
45 Le foyer joyeux les rassemble. 8
Chez eux ils n’ont pas d’exilé : 8
Pourraient-ils être heureux ensemble. 8
S’ils savaient un cœur mutilé ? 8
Les yeux sur les yeux de sa Jeanne, 8
50 Le mari pense à ses enfans. 8
Et les enfans baisent le crâne 8
De leur père aux cheveux flottans. 8
L’aïeul, un vieux chêne sans sève. 8
Impotent, mais aimé toujours, 8
55 Précieux fardeau, voit en rêve 8
Le fantôme de ses amours. 8
Tandis que la jeune fillette. 8
Orgueil du foyer paternel. 8
Rêveuse et même un peu coquette. 8
60 Songe à son voisin Gabriel, 8
Sa mère lit dans sa pensée, 8
Et sur ses genoux l'attirant, 8
Au promis tend sa main glacée 8
Et lui montre un front souriant. 8
65 Il n’est pas jusqu’au chien de garde 8
Qui ne soit heureux à son tour. 8
O mes parens, que Dieu vous garde 8
Et vous accorde un pareil jour ! 8
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