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Alfred BUSQUET
POÉSIES
1884
SUR LES CHEMINS
IMPRESSIONS DE VOYAGE
PORTUGAL-ESPAGNE
XVI
SOSPIRO DEL MORO
Lorsque je dus quitter Grenade, 8
L’Albacyn et l’Alaméda, 8
Et la Vega d’où l’on regarde 8
Les roses de la Névada, 8
5 Combien j’en ai poussé moi-même 8
De ces longs soupirs que poussa 8
Dans sa défaillance suprême 8
L’efféminé fils d’Aïssa ! 8
Le Kalif sans glaive et sans âme. 8
10 Qui n’a pas su vaincre ou périr. 8
Le sultan, plus mou qu’une femme, 8
Boabdil, trop beau pour mourir ! 8
Ce que tu pleures dans ta ville, 8
Triste commandeur des Croyans, 8
15 Ce n’est pas la lutte virile. 8
Le choc des glaives flamboyans, 8
La voix de la poudre qui parle, 8
Le bruit sonore des clairons, 8
Ni l’âme ardente qui s’exhale 8
20 Du noir torrent des escadrons ! 8
Ce qui te paraît regrettable. 8
Ce n’est pas le sabre vermeil ; 8
C’est le Généraliff aimable. 8
Et son repos et son sommeil. 8
25 Ses bains d’onyx et de porphyre. 8
Les sources de la Névada, 8
Les bosquets où Bulbul soupire. 8
Les chansons de l’Alaméda, 8
L’oubli charmant de toutes choses 8
30 Sous les arcades du palais 8
Que parfument les lauriers-roses. 8
Où la palombe vit en paix. 8
Où l’on contemple les étoiles 8
Qui nagent blanches dans le ciel, 8
35 Où les femmes n’ont pas de voiles. 8
Où les poètes font leur miel ; 8
Il te faut quitter ces délices, 8
Marcher du matin jusqu’au soir : 8
— Torrens, abîmes, précipices. 8
40 Ouvrez-vous à son désespoir ! 8
Va, maintenant ! Verse des larmes, 8
Frappe ton sein retentissant. 8
Accuse le sort de tes armes. 8
Maudis ta mère et le croissant ; 8
45 Mais j’ai beau te couvrir de bave. 8
Je le sens bien, à mon émoi 8
O Boabdil, fils de l’esclave. 8
J’aurais pleuré tout comme toi ! 8
Grenade.
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