Métrique en Ligne
BRS_1/BRS8
Henri BARBUSSE
Les Pleureuses
1895
MESSE DU PASSÉ
NOUS NOUS SOMMES REVUS
Le silence est un pardon
Plus triste.
Nous avons eu le jour et le matin livide 12
Et le rêve éternel que nous rêvions en vain… 12
Nous avons eu la vie avec sa place vide 12
Et le large soleil sans parole et sans pain ! 12
5 Nous avons eu la paix de toutes les journées ; 12
Les rêves de voix basse et les repos trop lourds. 12
Et nous nous en allons avec nos destinées 12
Et nos yeux désolés se chercheront toujours. 12
Oh ! que tu dois souffrir tandis que l'ombre rampe, 12
10 Que la chambre s'emplit de la pâleur des cieux, 12
Que le soir indolent en attendant la lampe 12
Fais toute attente grise auprès des rideaux vieux. 12
Que t'importe à présent l'espoir crépusculaire, 12
Assise avec le soir, douce sainte d'amour. 12
15 Oh ! tu ne songeais plus à lever ta paupière 12
Vers le côté divin d'où tombe un peu de jour. 12
Passons, passons toujours, errons où nous errâmes 12
Et regardons l'espace à nos yeux étendus, 12
Pauvres gens isolés dans le parc, pauvres âmes 12
20 Qui voulions retrouver le paradis perdu ! 12
Tout est mort, tout est mort, l'azur et l'innocence, 12
Et ce que veille l'ombre et ce qui nous attend, 12
Et tout ce qu'on bénit quand on passe en silence 12
Et tout ce qu'on écoute et tout ce qu'on entend. 12
25 Parcourons le vieux parc qui jadis fut le nôtre, 12
Le parc de vieux étangs, de feuilles et d'amours, 12
Marchons désespérés et très doux l'un à l'autre… 12
Oh ! la vie, oh ! le mal de s'en aller toujours !… 12
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