Métrique en Ligne
BRS_1/BRS61
Henri BARBUSSE
Les Pleureuses
1895
LE SILENCE DES PAUVRES
LA MORT DU SILENCE
Dans mon âme aux tendresses folles, 8
À l'enthousiasme étoilé, 8
Est un grand bienfait de paroles, 8
Et je n'ai pas encor parlé… 8
5 Oh ! la caresse toujours prête 8
Des mots qu'on n'a pas dits encor, 8
La grande et bienheureuse fête, 8
De voir demain comme un trésor… 8
Les gloires encor mal acquises, 8
10 Les chants encor mystérieux, 8
Toutes les promesses exquises 8
Par lesquelles je vivrai vieux… 8
C'est mon orgueil fou de vaillance, 8
C'est l'avenir ivre de foi, 8
15 C'est la splendeur de mon absence 8
Quand l'homme rêvera de moi. 8
L'espérance sage et bénie 8
Est radieuse au fond de moi, 8
Et ma gratitude infinie 8
20 Attend l'heure où je serai roi. 8
Sûr d'une vague apothéose, 8
Je suis le sage aux arbres noirs 8
Qui se sourit et se repose 8
Au paradis perdu des soirs !… 8
25 Mon rêve isolé, magnifique 8
Tressaille, écoute, attend en chœur 8
Quand l'avenir n'est que musique 8
Dans l'ombre adorable du cœur. 8
Cette paix étroite et bénie 8
30 Cette paix qui va s'en aller, 8
Qui va jeter mon harmonie 8
À la victoire de parler ! 8
La sombre et grise mélodie 8
Qui doit éclairer les vivants 8
35 Attend le soir de l'incendie, 8
Le soir ébauché par les vents ! 8
Quand l'heure viendra qu'on y croie, 8
Mes vœux, mes vertus, ma bonté 8
Jailliront pour mourir de joie 8
40 Dans l'implacable vérité. 8
Je n'aurai plus, seul, sans histoire, 8
Que mon élan pour m'appuyer… 8
Hélas, ô sacrifice, ô gloire, 8
Ô silence qui va saigner. 8
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