Métrique en Ligne
BRS_1/BRS56
Henri BARBUSSE
Les Pleureuses
1895
LE SILENCE DES PAUVRES
L'OUBLI
Je ne la verrai presque plus…
Je n'ai rien en moi qui résiste 8
À ce qui fuit tout doucement. 8
Je n'ai rien en moi qui m'assiste… 8
Je m'assois au rayon dormant, 8
5 J'écoute passer le jour triste, 8
Je suis triste tout simplement. 8
Dans la cour une voix ravie 8
Chante un refrain toujours pareil 8
Sur la route toujours suivie. 8
10 Un rayon coule en ce sommeil ; 8
Je sens le calme de la vie 8
Qui ne dit rien dans le soleil. 8
Mon mal est fini comme un drame. 8
Nul remords, n'importe lequel. 8
15 Le soleil traîne avec sa flamme 8
Sur le mur, silence éternel. 8
Et le jour passe dans mon âme 8
Comme s'il passait dans le ciel. 8
Je n'ai que la mélancolie 8
20 D'avoir bien fini de souffrir ; 8
Doucement, dans l'heure pâlie, 8
Le rayon pâle vient s'offrir… 8
Le printemps commence et j'oublie, 8
Je vais vivre, je vais mourir. 8
25 Humble dans le soleil modeste, 8
Je sens tout m'abandonner, tout. 8
J'oublie un peu dans chaque geste. 8
Tout s'endort, je ne suis plus fou. 8
Ta chanson s'éloigne et je reste, 8
30 Et je ne pleure pas beaucoup. 8
Pourtant, le long des grands espaces 8
Parfois, il tressaille un adieu ; 8
Parfois, à mes paupières lasses, 8
Le jour tendre frémit un peu, 8
35 Toi qui t'en vas, toi qui t'effaces, 8
Toi qui montes dans le ciel bleu. 8
Un reste de lumière trône 8
Au firmament déjà bien noir ; 8
Par la pauvre fenêtre jaune 8
40 Le ciel a tremblé sans savoir ; 8
Ton souvenir est une aumône 8
Dans la misère de ce soir. 8
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