Métrique en Ligne
BRS_1/BRS48
Henri BARBUSSE
Les Pleureuses
1895
LA HAINE
LA HAINE
Malgré toi la beauté me brave.
Nous sommes tous les deux ensemble 8
Nous, les amants à l'infini, 8
L'ouragan pleure et le ciel tremble… 8
Nous n'avons rien qui nous unit ! 8
5 Nous regardons le soir céleste 8
Qui se plombe et tombe sans fin, 8
Et le silence nous déteste, 8
Et notre amour a toujours faim. 8
Tandis que l'ombre nous azure 8
10 Ainsi qu'un grand couple éternel, 8
Le silence comme un murmure 8
Remplit la chambre jusqu'au ciel. 8
Et lorsque la nuit souveraine 8
T'étoile de son vieux reflet, 8
15 Je sens comme une grande haine 8
Qui nous sépare et qui se tait. 8
Je t'aime pourtant, oh je t'aime 8
Demi-pleurante en tes attraits, 8
Et vague, avec ton diadème 8
20 Où frissonnent les astres vrais. 8
Presque cachés par l'heure sombre, 8
Je vois surgir blanches, sans bruit, 8
Les mains que tu tends à mon ombre 8
Dans les abîmes de la nuit. 8
25 Et lorsqu'un grand rayon t'éclaire 8
Je devine invinciblement 8
Que je ne sais pas la lumière, 8
Que l'on s'ignore, et que l'on ment ! 8
J'avais rêvé comme un apôtre 8
30 D'inaccessibles unions ; 8
Nous sommes l'un auprès de l'autre, 8
Il faut que nous nous haïssions ! 8
Hélas, lorsque mon âme est pleine 8
De tant d'impuissance et d'adieu, 8
35 Je souffre d'avoir tant de haine 8
Et je voudrais t'aimer un peu… 8
logo du CRISCO logo de l'université