Métrique en Ligne
BRS_1/BRS47
Henri BARBUSSE
Les Pleureuses
1895
LA HAINE
SECRET
J'ai pour quand vient le soir de flamme
Ainsi qu'un morne moissonneur…
Ils te livrent, mais ils te gardent, 8
Tes yeux qui ne sont pas l'amour, 8
Tes pauvres yeux qui me regardent 8
Dans la chute morne du jour. 8
5 Tout doucement tu me consoles, 8
Tout doucement tu dis ta foi, 8
Mais je n'entends que tes paroles, 8
Et tes paroles sont à toi. 8
Tes fugitifs pensers de femme, 8
10 Ton rêve, est-ce que je les vois, 8
Est-ce que je sais si ton âme 8
Est la musique de ta voix ! 8
Est-ce que je sais à l'aurore, 8
Dans la chambre qui s'attendrit, 8
15 Quel rêve tu rêves encore 8
Lorsque ton réveil me sourit ! 8
Oh, parmi les frissons farouches 8
Ou l'étoilement des vieux soirs, 8
Dans le baiser de nos deux bouches, 8
20 Si nous avions eu deux espoirs ! 8
Si tout n'était que vaines armes, 8
Si rien n'était pur ni sacré ; 8
Quand tes yeux étaient pleins de larmes, 8
Si tu n'avais jamais pleuré ! 8
25 J'ai peur de tout dans ce mystère, 8
Hélas ! j'ai peur de ta douceur : 8
Oh, si pendant notre calvaire 8
Tu n'avais été qu'une sœur ! 8
Entré dans ton rêve de femme, 8
30 Pleureuse et rêveuse à moitié, 8
Peut-être qu'au seuil de ton âme 8
Je n'ai cueilli que la pitié. 8
Vois-tu, c'est les regrets immenses 8
Qui font se dresser et s'armer… 8
35 Je ne sais pas ce que tu penses, 8
Oh ! laisse-moi t'aimer, t'aimer… 8
Salut, ô misère, ô silence, 8
Pauvres aubes de tous les cieux… 8
Nous sommes des dieux d'ignorance, 8
40 C'est pourquoi nous sommes des dieux. 8
Allons ensemble et solitaires, 8
Cette paix c'est notre seul bien, 8
Car lorsqu'on ouvre les paupières, 8
Peut-être que l'on ne voit rien. 8
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